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Photo du rédacteurKaleiya Hitsumei

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La croisière jusqu’à Winderburg était très calme, surtout pour deux vampires qui, en théorie, n’avaient pas besoin de beaucoup d’heures de sommeil. Seulement, lorsqu’elle sortit de la salle de bain pour récupérer des vêtements propres, Dimitri était torse nu sur le lit, dormant à poings fermés.

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A ce moment-là, elle réalisa que c’était la première fois qu’elle le voyait endormi et avec autant de peau laissée à découvert – elle prit quelques secondes pour voir qu’il n’était pas désagréable à regarder ainsi, son visage affichant un air apaisé malgré les cernes noirs sous ses yeux, mais elle se retint de s’approcher plus, sachant très bien qu’il avait des sens plus aiguisés que les siens et qu’elle courait le risque de le réveiller. Par contre, elle savait que la raison derrière cela était potentiellement le fait qu’elle lui prenait des ténèbres et qu’il avait besoin de se reposer pour récupérer.

Une fois habillée, Lucinda ressortit de la salle de bain pour se poser et jouer à un jeu sur sa tablette quand elle nota que Dimitri avait changé de position pour dormir… laissant pleine vue sur son dos nu qui était entièrement couvert de profondes cicatrices.

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Surprise par cette vision, une exclamation lui échappa, ce qui réveilla son ami en sursaut. Celui-ci, en la voyant le fixer avec des yeux ronds, ne mit visiblement pas longtemps à comprendre où était le problème.

—Tu as vu n’est-ce pas ? demanda-t-il sur un ton un peu sec.

—Heu… oui, répondit-elle, un peu hésitante.

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A sa réponse – confirmation serait le mot le plus adéquat –, il grogna en se passant une main dans les cheveux. Il se leva puis ouvrit sa valise pour en sortir un t-shirt noir qu’il enfila rapidement avant de lui faire signe de s’asseoir sur le sofa.

—J’imagine que tu te poses des questions sur ce que tu as vu, supposa le vampire en s’asseyant à côté d’elle. Autant que tu le saches : les cicatrices que tu as vues datent d’avant que je ne devienne un vampire, ce qui explique qu’elles soient visibles, et je ne te cache pas que j’ignore à quel point elles sont atroces.

—Tu ne les a jamais vues donc, en conclut-elle aisément. Elles font peur à voir, c’est certain.

—Caleb m’a dit la même chose quand il les a aperçues. Il m’a même demandé comment j’avais fais pour survivre à une centaine de coups de fouets en étant un simple humain…

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Effectivement, pareil châtiment aurait aisément pu tuer un homme mais vu sa constitution, Dimitri était quelqu’un de solide physiquement… et vu ce que Margaux leur avait dit, le statut de Ténébreux de son ami avait souvent dû lui attirer ce genre de traitement. Ces cicatrices étaient la preuve physique qu’il n’avait pas du tout eu une vie facile.

—Je mentirai si je te disais que je ne les sens plus, poursuivit-il en grimaçant légèrement. Elles se rappellent des fois à mon souvenir quand ça me tire dans le dos. C’est plus désagréable qu’autre chose donc ne t’inquiète pas pour ça.

—Ca ira, dit-elle sur un ton rassurant. J’ai bien conscience que tu as eu une vie avant que l’on se rencontre donc il est normal que l’on découvre pas mal de choses l’un sur l’autre. Je sais en tout cas que tu as été acteur et que tu as un fort penchant pour les vieux films.

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—Excuse-moi de trouver que le jeu de certains acteurs de maintenant laisse cruellement à désirer !

Lucinda n’allait pas le contredire sur certains films récents : elle avait du mal avec les blockbusters où l’on voyait toujours les mêmes têtes dans le casting et certains films vantés par les médias comme étant des « chefs d’œuvres » du cinéma lui semblaient plus insipides qu’autre chose, faisant qu’elle n’avait pas dû remettre les pieds dans une de ces salles obscures depuis un bon moment.

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—Dans ton cas, je sais que tu fais du mannequinat pour payer tes études…

—Faisait serait plus juste, corrigea-t-elle avec un soupir de dépit. Il y a un tel remue-ménage dans les médias à mon sujet que je peux toujours courir pour reprendre tranquillement mes études… et puis recroiser Straud ne me tente absolument pas !

Reprendre sa vie là où elle l’avait laissé, c’était fichu d’avance. Sa disparition avait fait trop de bruit et même si la version officielle disait qu’elle avait été placée dans un lieu tenu secret par les autorités, elle risquait à tout instant d’être reconnue par quelqu’un et d’attirer des journalistes. Qui plus est, étant à présent une vampire, il allait lui être compliqué d’expliquer pourquoi elle ne vieillissait plus et l’excuse de la chirurgie esthétique n’était qu’une solution à court terme.

—Tu sais, ce n’est pas forcément perdu, lui dit calmement Dimitri. Il y a pas mal de créatures surnaturelles qui se cachent dans le monde et d’autres lieux semblables à Forgotten Hollow de ce que j’ai cru comprendre.

—Certainement oui, admit-elle. Seulement, j’ai tellement eu l’habitude de côtoyer ma famille que ne plus les voir va me faire drôle, Monica y comprise. Elle a beaucoup de défauts mais une fois que tu sais qu’elle n’a pas un mauvais fond, tu fais avec.

—J’ai cru vaguement comprendre que ta sœur ainée n’avait pas beaucoup d’affinités avec ta jumelle.

—Houlà ! Ce sont deux personnes radicalement différentes ! Le grand truc de Monica, c’était de tenter de me caser à mon insu ! Venant de celle qui ne savait pas choisir ses petits-amis, c’était risible !

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Lucinda se souvenait très bien de tous les coups fourrés de son aînée. La majorité, elle les avaient vu venir avant mais certains, elle n’avait pas pu les esquiver et la jeune femme restait étonnée de constater que sa sœur lui présentait toujours des hommes plus sérieux que ceux qu’elle fréquentait en règle générale… C’était à croire qu’elle était bien plus exigeante sur les fréquentations de sa cadette qu’envers les siennes !

Le dernier rendez-vous caché en date avait eu lieu un jeudi soir, au restaurant où elles étaient censées fêter le contrat qu’elle avait eu avec son agence de mannequinat.

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—Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas fait une sortie toutes les deux, lui avait dit Monica.

—C’est vrai, avait admit Lucinda avant de noter le regard un peu fuyant de sa sœur. Tu ne me cacherais pas un truc ? Tu as de quoi payer ta part de l’addition j’espère ?

—Oui, t’inquiète pas. J’ai eu une prime.

Elle l’avait trouvée bien calme à ce moment-là et fit l’erreur d’attribuer cela à de la fatigue – sa sœur ainée avait eu une période intensive de travail avec la fête des Mères où elle avait dû aider pas mal de clients à choisir le parfum qu’ils souhaitaient offrir en cadeau pour cette occasion. Puis elle entendit s’ouvrir la porte du restaurant…

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—Ah, Monica ! avait dit une voix masculine avec un léger accent. J’espère que je ne t’ai pas faite attendre. Mon métro a eu du retard…

… et qu’un homme que Lucinda ne connaissait pas salua sa sœur avec un sourire qui indiquait clairement qu’il la connaissait bien.

—Monica… avait fait la jeune mannequin en grinçant des dents.

—Sofiane ! s’était exclamée sa sœur, l’ignorant superbement. Tu es pile à l’heure ! On va pouvoir s’installer à table !

En entendant le début de cette histoire, Dimitri se mit à rire tandis que Lucinda levait les yeux au ciel en se remémorant à quel point Monica l’avait exaspérée ce soir-là.

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—Je vois mieux comment elle est à présent, déclara son ami avec un sourire amusé. A tout hasard, en vivant seule à Newcrest, tu n’essayais pas de l’éviter.

—Ce serait très probable, admit-elle en se disant que cela avait dû être inconscient de sa part. Seulement, je peux t’assurer qu’elle est prête à faire des centaines de kilomètres pour aller fouiner dans ma penderie et me piquer mes vêtements ! Heureusement que j’en avais toujours beaucoup dans mes armoires avec mon travail…

—Tu n’étais pas la seule figure-toi. Certes, une bonne partie de mes habits étaient mes costumes de scène mais j’avais de quoi avoir une tenue pour chaque jour du mois.

Un autre point commun entre eux… Elle nota dans un coin de sa tête que son ami ne serait probablement pas du genre à rechigner à l’idée de posséder un dressing.

Lucinda reprit son anecdote là où elle s’était arrêtée : après que Monica ait réussi à la faire tomber dans son piège, la jeune mannequin, à contrecœur, avait accepté de s’installer à la table qui leur avait été réservée au restaurant. Fâchée contre sa sœur, elle avait décidé de l’ignorer elle et celui qu’elle avait invité – de ce qu’elle avait entendu, il se nommait Sofiane.

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—Alors Monica, tout va bien de ton côté ? avait-il demandé avec chaleur. Je ne t’ai pas vue depuis un moment.

—Oh oui ! avait répondu son ainée avec enthousiasme. J’ai eu quelques rendez-vous intéressants et mon travail me plait toujours. D’ailleurs, comment va Raoul depuis notre rupture ? J’ai cru entendre qu’il voulait tenter la politique.

—C’est exact. Il est sur la liste d’un des prochains candidats à la mairie et aide pour la campagne. Je crois qu’il a rencontré quelqu’un parmi les militantes.

Suivant leur conversation d’une oreille, Lucinda avait obstinément gardé le nez sur le menu, connaissant à présent l’ensemble des plats de la carte qui étaient végétariens.

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—Au fait, je pense que tu l’avais compris mais c’est ma sœur cadette, Lucinda, avait dit Monica en la désignant.

—Enchanté de te connaitre, avait déclaré Sofiane.

—De même, avait répliqué sèchement la jeune femme.

Durant les cinq minutes précédant l’arrivée du serveur, elle avait continué de les ignorer pendant qu’ils discutaient entre eux de choses et d’autres. Quand enfin ils avaient pu prendre leur commande, le jeune homme avait insisté pour qu’elles choisissent les premières et qu’elles devaient se faire plaisir car il comptait bien payer une partie de la note.

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Une fois qu’ils avaient passé leur commande, Lucinda avait attrapé Monica par le poignet et cette dernière les avaient excusées auprès du jeune homme alors qu’elle se faisait trainer à l’extérieur, jusqu’à la terrasse avec vue sur la baie de San Myshuno.

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—Non mais je rêve ! s’était exclamée Lucinda, profitant qu’elles soient seules pour extérioriser sa colère. Tu m’as encore tendu un piège alors que tu avais promis d’arrêter !

—Laisse-moi t’expliquer… avait commencé Monica.

—De quoi ? Que tu tentes de me mettre en couple avec le frère d’un de tes ex ?!

—Lucy, ce n’est pas du tout ça ! Calme-toi !

Après avoir pris sur elle, Lucinda s’était un peu calmée, au moins le temps d’écouter ce que sa sœur voulait lui dire.

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—Oui, je ne t’ai pas prévenue pour Sofiane car je savais que tu penserais ça, avait déclaré Monica. C’est un bon ami à moi et il voulait manger dans ce restaurant donc comme nous y allions déjà toutes les deux, je lui ai proposé de venir aussi. Certes, je n’ai pas exclu l’idée que cela pourrait coller entre vous deux mais je ne l’ai pas invité pour ça.

Sincèrement, elle avait été très sceptique en entendant cela mais avait accepté de lui donner le bénéfice du doute. Du coup, elles étaient revenues à leur table une minute avant que leurs plats et boissons n’arrivent.

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—Ca vous dérange si je prends des photos de vos assiettes ? avait demandé Sofiane en sortant son smartphone. C’est pour mon blog.

—Tu peux mettre goûter mon assiette si tu veux ! avait ajouté Monica en lui montrant son plat composé de dorade et d’une julienne de légumes. Comme ça, tu pourras mettre un avis plus complet.

—Un avis ? avait tiqué Lucinda avant de commencer à comprendre. Tu tiens un blog culinaire ?

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—Pour être exact, je fais des critiques des restaurants et des bars de San Myshuno, avait précisé le jeune homme. Je dois avoir autour de cinquante mille abonnés à présent.

A ce moment-là, elle avait pleinement saisi les intentions de Monica en invitant Sofiane et la jeune mannequin s’était montrée plus ouverte avec lui. Ainsi, ils avaient passé une très bonne soirée tous les trois, échangeant des anecdotes ou faisant un peu connaissances.

—Et tu as gardé contact avec ce Sofiane ? demanda Dimitri une fois qu’elle eut fini son histoire.

—Je l’ai revu une fois alors que je faisais une séance photo dans un bar, répondit Lucinda en haussant les épaules. Seulement, nous n’avons pas gardé contact vu qu’il est surtout ami avec ma sœur Monica.

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—C’est plutôt logique. Après, si j’ai bien compris, tu n’as jamais eu de relation amoureuse.

—J’avoue que j’ai pas mal pris Matéo en exemple à ce niveau vu que lui aussi a toujours été célibataire. J’ai vu bon nombre de voisines tenter de le séduire. Après… j’entendais tellement de personnes se moquer de mes choix d’études que ça m’encourageait plus à rester seule qu’autre chose…

Sans Giulia et le groupe d’amies qu’elles avaient formé avec Eurydice, Lucinda se serait sentie bien seule car la rousse avait été la seule personne, en dehors de sa famille, à ne pas la juger sur ses choix d’études. D’ailleurs, avec Eurydice, elle avait énormément parlé de surnaturel, celle-ci ayant beaucoup lu sur le sujet.

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—Nous sommes tous différents et tu trouveras toujours quelqu’un qui ne peut pas accepter cela, lui dit Dimitri en roulant des yeux. Pourquoi crois-tu que certaines guerres ont eu lieu ?

—C’est assez triste mais vrai, admit-elle en se souvenant des cicatrices de son ami. C’est à cause de ça que tu as été…

—Je vivais dans la rue et j’ai mal choisi la personne à voler ce jour-là. Bien entendu, j’ai retenu la leçon depuis et on m’a donné l’occasion de faire quelque chose dans ma vie en devenant acteur, même si on ne m’a pas précisé tout de suite que cela incluait de faire de moi un vampire.

Pendant un bon moment, ils échangèrent des anecdotes : Lucinda raconta ses premiers pas dans le mannequinat avec les quelques gaffes qu’elle avait pu faire ou certaines rencontres dont elle se serait passés, comme celle avec Corinne Shining qui n’avait guère apprécié qu’une « jeunette » prenne sa place sous les projecteurs tandis que Dimitri évoqua les pièces qu’il avait jouées sur scène avec nostalgie.

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Ils discutèrent jusqu’à ce que la fatigue se fasse sentir et, sans vraiment s’en rendre compte, ils s’endormirent.

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