Ombre et Lumière - 26

Un peu sonnée, Lucinda ouvrit les yeux… et se demanda où elle était au juste. Elle se passa une main sur le visage, se disant qu’elle devait être sortie d’un mauvais rêve quand elle remarqua quelque chose sur son bras : un tatouage qui sentait fort le henné – son agence lui avait interdit de se faire tatouer car cela pouvait lui faire perdre des contrats. Le motif ressemblait à ce que dessinait sa jumelle sur son cahier quand elles étaient au lycée…

Comme elle voulait comprendre où elle était, Lucinda voulut se lever… avant de remarquer une chevelure bleue qu’elle connaissait bien et dont la propriétaire dormait d’un sommeil de plomb. Qu’est-ce que Giulia faisait ici au juste ?

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Puis Lucinda réalisa qu’elle était peut-être encore à l’Opéra, probablement dans les étages. Son hypothèse se confirma assez vite quand elle quitta silencieusement la pièce pour tomber sur une salle de répétition et un escalier qui descendait. Elle allait emprunter les marches quand ses oreilles entendirent de la musique.

Au fur et à mesure qu’elle descendait, elle reconnut une musique au piano ainsi qu’une voix de femme qui chantait divinement bien. Arrivée au niveau de la scène, la voix avait cessé de chanter mais le piano jouait encore.

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—Je persiste à dire que tu te serais moins embêté en jouant directement sur l’orgue, déclara celle qui devait être la chanteuse et dont l’apparence n’avait pas grand-chose d’humain. Ca t’aurait évité de faire apparaître ce truc.

—Sedna, je ne sais pas jouer de l’orgue, répliqua le pianiste en terminant son morceau. Qui plus est, je suis un peu rouillé au piano…

—Mais non ! C’était très bien ! Il faudra envisager une petite prestation en privée au prochain Matsuri avec Flamberge pour la danse ou bien, si ça arrive un jour, au mariage d’un des Reiji mais coincés comme ils le sont…

—Je commence à me dire que c’est toi qui avais fait le forcing auprès de tes gardiens pour me suivre…

—Oh mais cher magicien, si j’avais su que je me marrerai autant en te voyant au saut du lit un matin, je me serais montrée encore plus convaincante !

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A cette réplique, le jeune homme fit une fausse note au piano tandis que la dénommée Sedna se mit à rire aux éclats.

—Sedna… dit le magicien en grinçant des dents. J’ai assez honte comme ça ! Et puis je t’avais demandé une douche froide, pas glacée !

—Oh ? répliqua la femme avec un sourire narquois. Vu dans quel état tu étais, cela m’avait semblé nécessaire de te rafraichir tes… ardeurs au maximum. D’ailleurs, c’est pour ça que tu n’oses pas toucher des femmes ?

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—Je les préfère conscientes et consentantes… Heureusement que personne d’autre n’est là pour nous entendre car aut-

—Tu es sûr de toi ?

—… Tu n’as pas osé ?

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Le jeune homme se retourna et Lucinda croisa son regard horrifié. Elle lui fit un salut timide tandis que la dénommée Sedna se remit à rire aux éclats, visiblement très contente d’elle. Dans un soupir dépité, le magicien fit disparaître le piano avec l’aide d’une baguette magique tandis que la femme étrange s’en alla en chantant une chanson de l’opéra Carmen.

Lucinda vint rejoindre le jeune homme sur scène qui se grattait nerveusement l’arrière de la tête.

—Désolé pour Sedna, s’excusa-t-il. Ca fait peu de temps que je la connais donc j’ai encore du mal à trouver comment la gérer quand je l’invoque.

—D’accord, fit la jeune femme. J’avoue que je suis surtout un peu perdue actuellement….

—Pour te résumer un peu la chose, je dirais que Straud avait des projets te concernant et qu’ils ont été interrompus brutalement quand Dimitri et Giulia sont venus te chercher puis par moi quand je lui ai brûlé le dos.

Ca y est, elle se souvenait à présent : elle avait fait l’erreur de lui demander son aide. Cette bêtise, Lucinda n’allait pas la refaire de sitôt mais ce qui ne l’arrangeait pas, c’était le fait qu’il était son professeur donc elle serait bien forcée de le revoir si elle reprenait ses cours…

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—Je n’ai pas vu Dimitri, remarqua la jeune femme. Où est-il ?

—Il est parti pour Willow Creek, lui répondit le magicien. Je lui ai promis de garder un œil sur toi et ta sœur le temps nécessaire ainsi que de t’aider avec ton ivresse démoniaque. Au fait, je m’appelle Ezekiel.

—Lucinda, enchantée.

—De même. Maintenant, je vais devoir t’expliquer ce qu’il t’arrive réellement car Straud s’est, semble-t-il, gardé des informations pour lui.

Ezekiel prit un air grave puis reprit la parole.

—L’ivresse démoniaque est, comme son nom l’indique, une affection qui ne peut toucher que ceux qui ont du sang de démon, commença-t-il. Les démons sont une catégorie de créatures surnaturelles qui sont plus sensibles que les autres aux sept pêchés capitaux et ceux qui souffrent d’ivresse démoniaque sont généralement des semi-démons ou de jeunes démons dont la part de lumière est plus forte que leur part de ténèbres, ce qui peut poser problème. Tu arrives à me suivre jusque-là ?

—Je crois oui, répondit Lucinda. En gros, mon souci est que je possède une part de lumière plus élevée que ma part de ténèbres… Ca peut se rectifier ?

—Pas vraiment. La grande majorité des gens ont une part qui domine plus que l’autre, généralement avec peu d’écart. Ceux qui ont une égalité parfaite sont excessivement rares et sont, grâce à cela, absolument insensible à toute forme de corruption ou encore, dans le cas de Caleb Vatore qui est connu pour son équilibre parfait, ne pas posséder de forme sombre. Pour ce qui est de ton cas, en tant que vampire, les péchés auxquels tu devrais succomber aisément sont la colère et l’envie mais j’ai été très surpris en découvrant que ce n’était pas le cas… Du coup, j’ai consulté ma mère qui, en tant que succube, est plus calée que moi sur le sujet.

Sa mère était donc un démon… Donc techniquement parlant, Ezekiel devait être un semi-démon, raison pour laquelle il devait être bien renseigné sur ce qu’était les ivresses démoniaques. Lucinda n’avait pas à chercher beaucoup pour se douter que le pêché dont il pouvait souffrir devait être la luxure… et que c’était probablement ce que sous-entendait Sedna tout à l’heure.

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—Pour te donner des chiffres, les part de ténèbres et de lumière s’équilibre entre 51-49 et 60-40 pour la majorité des gens, reprit le magicien. Or, dans ton cas de figure, tu fais très probablement partie des personnes qui ont un écart plus conséquent et, selon ma mère, il se pourrait même que tu sois parmi les rares à avoir une part supérieure à 90% vu que le pêché de ton ivresse démoniaque, l’orgueil, est très rare lui aussi.

—Et c’est grave ? demanda Lucinda avec inquiétude.

—Eh bien… Disons qu’en fait, tu as comme un déséquilibre profond à l’intérieur de toi car il te manque trop de ténèbres. Du coup, tu es naturellement attirée par les personnes qui, comme ta sœur, ont une part de ténèbres plus importante que leur part de lumière. C’est peut-être même la raison pour laquelle Straud était intéressé par toi vu que lui possède une part de ténèbres conséquente mais à priori, pas suffisamment pour réussir à te dominer totalement. Qui plus est, avec une ivresse démoniaque d’orgueil, tu as une volonté plus forte que la normale et un sentiment d’invincibilité qui peut te jouer des tours. D’ailleurs, le tatouage que l’on t’a fait avec Giulia devrait atténuer cela pendant un temps, tout en comblant un peu ce déséquilibre que tu as, vu que j’ai mélangé un peu du sang de ta sœur au henné. Par contre, comme ton type d’ivresse démoniaque est rare, ma mère pense qu’elle n’a pas toutes les infos sur le sujet donc attend toi à quelques surprises…

Ca, ce n’était pas la meilleure des nouvelles. Lucinda n’était donc pas sortie d’affaire avec cette ivresse démoniaque…

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Le bruit du plancher grinçant attira leur attention vers les coulisses puis, une minute après, Sedna revint en compagnie d’une femme qui était vraisemblablement comme elle… mais à la fois non.

—Sincèrement Flamberge, tu ne te vois pas un jour danser sur cette scène ? demanda Sedna avec une excitation plus que palpable. Imagine comme tu mettrais le feu dans cet Opéra ! Pas littéralement parlant bien entendu…

—J’imagine assez oui, lui répondit Flamberge qui semblait assez enthousiaste. Mais à mon avis, vu comme cette salle résonne, c’est surtout ta voix qui serait sublimée dans pareil endroit.

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Toutes deux semblaient très joyeuses, ce qui faisait sourire Ezekiel. Il était visiblement heureux de les voir ainsi.

—Désolé pour elles mais cela faisait longtemps qu’elles ne s’étaient pas revues donc je tends à les invoquer toutes les deux quand cela m’est possible, lui précisa le magicien. Ca leur permet de rattraper le temps perdu.

—Je peux comprendre, lui dit Lucinda qui trouvait que les deux femmes ressemblaient à deux vieilles amies. Au fait, comment ça se fait que Giulia soit ici ? Je pensais qu’elle serait à San Myshuno ou à Winderburg…

—Du peu que j’ai compris, Dimitri est tombé par hasard sur elle en te cherchant et elle est restée dans ses pattes. Il m’a d’ailleurs semblé plus que ravi de me la laisser.

—Ah… Elle a dû sacrément lui taper sur les nerfs. C’est sa spécialité…

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Giulia n’avait donc absolument pas changé. Monica avait dû être enchantée de cela vu leurs rapports qui étaient assez électriques la dernière fois qu’elles avaient été réunies dans une même pièce.

—Au fait, verrais-tu un inconvénient à ce que je vois ta forme sombre ? lui demanda Ezekiel. J’aimerais vérifier quelque chose…

—D’accord…

Lucinda révéla donc sa forme sombre, faisant lâcher un hoquet de surprise au magicien.

—Heu… C’est affreux à point ? demanda-t-elle, gênée.

—Ce n’est pas ça, lui répondit Ezekiel. En fait, ma mère avait raison en supposant que tu avais une part de lumière supérieure à 90%. Ta forme sombre est extrêmement ténébreuse et radicalement différente de ce que tu es.

Tout à coup, la jeune femme se demandait à quoi elle pouvait bien ressembler pour créer un tel contraste. De mémoire, elle n’avait rien observé de tel chez Dimitri ou encore Lilith…

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—Avant que je n’oublie, si tu souhaites redevenir humaine, ça va être compliqué, précisa le magicien. C’est Straud qui a la recette pour ça et il ne la partagera pas facilement.

—Je suis condamnée à rester vampire donc, en conclut Lucinda.

—Ce n’est pas certain. Vu que Straud n’a pas respecté certains de ses engagements, il va prochainement recevoir une visite très désagréable et avec de bonnes négociations, il aura intérêt à remettre cette recette à mes parents s’il veut être tranquille…

Soudain, le son du parquet grinçant retentit à nouveau et, en se tournant vers son origine, Lucinda se figea en croisant le regard surpris de sa jumelle.

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Lucinda déglutit, appréhendant grandement les réactions de sa sœur. Elle observait celle-ci s’approcher d’elle en la détaillant de bas en haut… puis se sentit mieux en voyant qu’elle souriait.

—Sérieux Lucy, t’as décidé de me piquer mon style maintenant ? lui lança Giulia sur un ton ironique qui fit sourire Lucinda. Toi avec un jean déchiré ?

—Tu sais que c’est à la mode ? répliqua la jeune femme, ravie d’avoir retrouvé sa jumelle. Et puis peut-être que tu me manquais…

—Pareil sœurette. J’suis désolée de t’avoir laissée toute seule. J’ai pas été cool sur ce coup.

—Ne t’excuse pas. C’est moi qui aurais dû mieux t’expliquer pourquoi je voulais gagner de l’argent avec le mannequinat.

Enfin, elle était réconciliée avec Giulia. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, Lucinda avait l’impression qu’elle venait d’être délestée d’un poids terriblement lourd qu’elle n’avait pas conscience d’avoir sur les épaules jusqu’ici…

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Sa jumelle sortit son téléphone portable et, sans prévenir, la prit en photo.

—Att- commença Lucinda.

—T’inquiète pas, la coupa Giulia. Je vais l’effacer après mais j’imagine que tu sais pas à quoi tu ressembles non ?

Effectivement, n’ayant plus de reflet, Lucinda avait été incapable de savoir de quoi elle avait l’air sous sa forme sombre et avec une photo numérique, sa curiosité pouvait enfin être satisfaite. Sauf que quand elle vit son image, un hoquet de surprise lui échappa. Elle avait du mal à se reconnaitre…

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Pendant qu’elle digérait le choc, Ezekiel parlait avec Sedna et Flamberge.

—Je sais que ça ne va pas te plaire Sedna… dit-il à la concernée.

—Pas vraiment mais bon, elle ne m’a pas corrompue quand j’ai rompu l’hypnose, fit Sedna en haussant les épaules. Ca ne devrait pas poser souci avec Flamberge à côté.

—J’agirai au moindre problème, lui garantit son amie.

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Lucinda vit Ezekiel lui faire signe et elle s’approcha. Sedna se plaça près d’elle, la fixant de son regard clair.

—Bien ma jolie, débuta Sedna. Tu es un démon donc tu as une affinité plutôt Air en magie. Moi mon truc, c’est l’Eau et mon élément peut renforcer le tien.

—D’accord, dit la jeune femme pour signifier qu’elle avait bien compris.

—Vu que de ce qu’on a compris, tu n’as pas atteint ton plein potentiel, je vais te donner un coup de boost pour que tes pouvoirs de vampire se développent bien plus vite. Par contre, tu as interdiction de me toucher. Si tu tentes ne serait-ce que de me frôler, Flamberge te réduit en cendres. C’est bien clair ?

—Parfaitement.

Sur ces mots, Sedna se mut à murmurer des mots que Lucinda n’arrivait pas à comprendre puis un souffle glacé sortit de sa bouche pour venir jusqu’à elle. Si, d’abord, la jeune femme fut gelée, elle sentit soudain comme une montée de puissance dans tout son corps.

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Son travail fini, Sedna disparu dans une lumière bleutée, suivie par Flamberge dans une lueur aux teintes chaudes. Giulia et Ezekiel vinrent vers elle.

—Tu te sens comment Lucy ? lui demanda sa sœur.

—Extrêmement bien, répondit-elle, sentant encore cette énergie en elle. Par contre, je ne saurais dire quels pouvoirs j’ai pu développer cette fois-ci…

—Vu ta part de lumière, la résistance au soleil doit en faire partie, lui déclara le magicien. Si ce n’est pas le cas, le boost de Sedna devrait te protéger quelques heures.

—D’accord. Merci pour tout.

—Il n’y a pas de quoi. Que comptes-tu faire à présent ?

—Retrouver Dimitri.

Lucinda n’avait pas hésité : Dimitri cherchait l’homme qui avait voulue la tuer mais c’était à elle de régler ses problèmes. Il était temps pour elle de rembourser sa dette envers lui.

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