Dimitri n’aimait pas trop l’idée de laisser seule Lucinda et, surtout, de lui avoir menti mais si jamais les agents du S.I.M.S. avaient un suspect et qu’elle le connaissait, il y avait un risque non nul pour qu’elle redevienne hors de contrôle et cherche à se venger. Il était tenté de faire exprès de ne pas réapparaitre pour qu’elle retourne chez les Vatore mais c’était tout aussi dangereux car elle pouvait faire des dégâts.
Si seulement il avait une solution pour lui rendre sa mortalité… mais celle-ci était détenue par Straud qui se gardait bien de la communiquer à quiconque – Lilith lui avait vaguement parlé une fois d’une potion qui pouvait humaniser un vampire et dont les chasseurs de vampires avait connu le secret jusqu’à ce que Vladislaus le leur ait volé avant de tous les éliminer.
Tourmenté par ses pensées, Dimitri arriva au lieu de rendez-vous : un bar karaoké au Quartier de la Mode.
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Les instructions qui lui avaient été fournies étaient qu’il devait chanter « Nuit après nuit » puis s’installer à la table la plus éloignée du bar. Le vampire ne s’était pas prêté à cet exercice depuis bien des années donc il était un peu nerveux, comme la toute première fois où il était monté sur scène – certes, cela n’avait été qu’un rôle mineur mais la moindre erreur de sa part aurait pu gâcher la prestation des autres acteurs et ruiner toute la représentation.
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Après une bonne inspiration, il prit place derrière le micro et lança la musique avant de chanter avec sa voix de baryton les paroles qui défilaient sur l’écran.
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Sa performance n’était pas excellente mais vu qu’il n’avait pas été hué, elle ne devait pas avoir été mauvaise non plus. Il ne perdit pas de temps et alla s’asseoir à la table qui lui avait été indiquée.
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Moins d’une minute plus tard, un homme qui, jusqu’ici, était accoudé au bar, vint le rejoindre en s’asseyant à côté de lui avec un sourire en coin.
—Belle nuit n’est-ce pas ?
—Très. Dommage que les lumières de la ville cachent les étoiles.
—C’est vrai. Elles doivent être splendides à Forgotten Hollow.
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Il était à présent clair pour Dimitri que cet homme aux cheveux blonds était celui qui lui avait donné le rendez-vous.
—Permettez que l’on change d’endroit. Mon partenaire doit nous y attendre.
Sans poser de questions, Dimitri suivit cet agent du S.I.M.S. jusqu’à un coin moins fréquenté du Quartier de la Mode. Sur un banc, un homme aux cheveux roux était assit, visiblement en train d’attendre quelqu’un… et en voyant sa réaction à leur arrivée, il était à présent clair que c’était lui aussi un membre du S.I.M.S.
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Ils prirent place sur le banc et le premier agent se tourna vers Dimitri.
—Pardonnez ce mystère monsieur Markoff mais mon partenaire et moi-même sortions tout juste d’une mission sous couverture quand l’affaire nous a été transmise par le lieutenant Padepo.
—Il n’y a pas de problème… Messieurs ?
—Appelez-nous G et B. Pour des raisons évidentes, nous ne vous dévoilerons pas nos vraies identités.
—Faudra quand même dire à nos supérieurs de nous trouver d’autres alias car ils manquent cruellement de créativité…
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Dimitri était d’accord avec B, le rouquin : une simple lettre, c’était quelque peu léger.
—Pour en revenir à nos moutons monsieur Markoff, vous devez vous douter que nous avons fait quelques recherches vous concernant…
—Peu importe ce que vous avez trouvé. Ce qui m’intéresse, c’est ce tueur en série.
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Il ne voulait pas perdre son temps en écoutant tout ce que le S.I.M.S. avait pu découvrir sur lui.
Cette remarque sembla beaucoup amuser G tandis que B eut un ricanement mauvais.
—Je vois que la rumeur disant que les vampires haïssent les tueurs est vraie. Ca va être plus facile de négocier qu’avec les flics ripoux à Newcrest.
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—Vrai. Déjà, sachez que nous avons demandé à nos experts de refaire toutes les analyses et autopsies à tout hasard. Nous avions repéré deux ou trois éléments douteux parmi les effectifs des forces de l’ordre et de leur équipe scientifique donc tant que notre collègue infiltré n’a pas confirmé nos soupçons, nous préférons être prudents.
—C’est tout à votre honneur.
Avec de la chance, de nouveaux indices allaient apparaître…
—Concernant ces bouquets, nous en avons retrouvé aussi chez l’une des trois autres victimes. Pour les deux autres, nous allons vérifier si elles en ont bien reçu un identique en interrogeant le fleuriste qui a livré les autres mais peu de doutes subsistent.
—Il aura peut-être le nom de celui qui l’a payé pour ça mais si le type est aussi malin qu’on le pense, il a payé en liquide et aura tout fait pour que l’on ne puisse pas l’identifier.
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Cela correspondrait à ce que Lucinda lui avait raconté de son agression : son assaillant était grimé de sorte qu’il lui avait été impossible de le décrire.
—Cette hypothèse collerait avec les souvenirs de Lucinda sur les évènements de l’Opéra. L’homme s’était déguisé comme pour le Jour des morts selon elle.
—A ce sujet, que faisait-elle à l’Opéra de Newcrest ? Les lieux sont fermés au public actuellement.
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A cet instant, Dimitri réalisa cet oubli et aussi qu’il ne lui était à aucun moment venue l’idée de lui poser la question, probablement parce qu’il avait été trop concentré sur essayer de trouver l’homme qui l’avait agressée. Il allait impérativement falloir qu’il obtienne la réponse à cela… D’ailleurs, un autre détail lui revint en mémoire.
—Elle ne m’a pas dit ce qu’elle faisait là-bas mais maintenant que j’y repense, quand je l’ai trouvée, elle portait une robe de soirée.
Cette précision fit ouvrir de grands yeux aux deux agents du S.I.M.S. qui échangèrent un bref regard avant de se tourner de nouveau vers lui.
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—D’après ce que l’on sait, mademoiselle Gregorio travaille comme mannequin pour payer ses études. Notre homme l’aurait-il attirée en se servant de cela ? Ton avis B. ?
—S’il a procédé de la même manière pour les autres en les attirants à l’écart, c’est qu’il connaissait un minimum leurs centres d’intérêts ou leurs occupations. Qui plus est, il faut prendre en compte que certaines de nos victimes étaient assez solitaires donc peut-être plus faciles à isoler pour lui.
—Ce n’est pas contre vous mais je n’ai pas toute la nuit donc…
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Dimitri n’avait pas l’impression d’avancer en émettant toutes ses hypothèses car au final, il leur manquait toujours le lien entre toutes les victimes qui pouvait expliquer comment l’assassin choisissait ses proies.
—Si l’on devait faire un profil, je pense que nous devons chercher un homme, probablement prudent vu qu’il prend la peine de changer d’arme du crime pour brouiller les pistes et de se déguiser. Il y a une chance non nulle que, d’une manière ou d’une autre, il a réussit à s’introduire dans la vie de ses victimes de sorte à pouvoir facilement les piéger.
—Certaines ont dû être faciles à cibler comme Nathalie Smith qui avait l’habitude de sortir pour aller danser en boîte de nuit ou encore Gretchen Stevens qui déménageait seule. Les autres par contre l’obligeait à se rapprocher un minimum d’eux pour les atteindre quitte à élargir sa zone de chasse. Toujours est-il qu’il ne choisit certainement pas ses scènes de crime au hasard et qu’il peut se permettre d’être très mobile vu que, de ce que l’on sait, il a agit à Oasis Springs, Newcrest et San Myshuno, ce qui suppose qu’il doit avoir son propre véhicule et qu’il a du temps pour faire tout ça. Peut-être est-il au chômage ou bien fait-il un métier qui exige qu’il soit souvent sur la route.
—Seuls les résultats des analyses devraient nous permettre d’établir un profil plus précis car le problème avec l’ammoniaque, c’est qu’il est facile à trouver. On peut juste exclure la famille et les amis proches des victimes à l’heure actuelle ainsi que tous les hommes qui n’ont pas entre dix-huit et cinquante ans.
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Cela aidait Dimitri… mais pas énormément, surtout dans le cas de Lucinda qui était loin d’être aussi anonyme qu’un Garry Coop ou qu’une Gretchen Stevens. Il y avait un lien entre eux sept mais tant qu’il ne le trouvait pas, l’assassin aurait un temps d’avance.
—Autre chose : nous avons quelque peu secoué les puces de quelques policiers flemmards de San Myshuno car ils n’avaient pas prit au sérieux Matéo Gregorio quand il avait voulu déclarer sa sœur disparue. Vu qu’à présent, sa disparition a été confirmée à Newcrest par ses deux sœurs ainées, Lucinda Gregorio ferait mieux de rester cachée un moment car je doute que son assaillant apprécie d’apprendre qu’elle est en vie.
—J’ai pensé exactement la même chose, raison pour laquelle je lui ai déconseillé de contacter ses proches. Je vais la ramener à Forgotten Hollow dès demain soir puis revenir ici ou me rendre à Newcrest.
—Bien. De notre côté, nous vous contacterons dès que nous aurons le résultat des analyses et des nouvelles autopsies.
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—En cas de besoin, prévenez nous au numéro avec lequel on vous a contacté. Le boulot nous impose de garder nos téléphones allumés.
—Entendu. A une prochaine fois donc.
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Ils se serrèrent la main puis se séparèrent. Une fois un peu éloigné, Dimitri tendit l’oreille…
—… pas aujourd’hui que l’on pourra se faire ce week-end tranquille.
—C’est le job Bas’ mais au moins, nous ne sommes pas obligés de nous séparer cette fois-ci. Je ne sais pas si j’aurais supporté de te voir encore peloter une femme pour arriver à tes fins…
—Encore jaloux ? Tu sais bien ce que j’en pense des femmes et puis sérieusement, tu crois vraiment qu’avec la famille que je me tapes, sortir avec deux personnes en même temps est faisable ?
—Ha ha ha ! Vrai que je suis certain qu’elle suit nos faits et gestes alors qu’elle n’en a pas le droit. Donc un plateau télé juste toi et moi ?
Dimitri cessa de les épier, étant à présent certain qu’il n’avait rien à craindre d’eux. Il était temps pour lui de retourner au Quartier des Epices, étape obligatoire s’il voulait atteindre le Quartier des Arts… et espérer ne pas avoir trop d’attente pour le prochain tramway.
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