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Chapitre 23 : Sur les planches

Après un cours nocturne intensif, Eurydice était allée se coucher éreintée, la tête remplit de nouvelles informations à retenir – elle avait la certitude d’avoir assimilé l’essentiel, notamment qu’elle devait éviter d’invoquer à tout va tant qu’elle ignorait quelles étaient ses propres limites. Les bases n’étaient pas compliquées à comprendre : la magie comptait trois éléments basiques qui, dans leur forme simple, étaient plus ou mois faciles à maîtriser – étonnamment, le feu était le plus simple vu qu’il piochait ce qui lui manquait dans l’énergie magique du magicien et que cela le rendait plus malléable. Les éléments avancés en revanche, c’était une autre paire de manches – elle avait juste vu la foudre plus en détail avec Margaux et comprit que le défaut majeur de ces éléments avancés était la probabilité et la puissance de l’effet Damoclès qui désigne la propension d’un élément ou d’un sort à se retourner contre son utilisateur si mal lancé ou maîtrisé.


Concernant l’invocation en elle-même, celle-ci était à priori capable de contourner la nécessité d’avoir un catalyseur – comme une baguette magique – vu que cet art puisait plus dans l’énergie psychique – si elle en abusait, l’un des premiers symptômes risquait d’être des maux de tête accompagné de fatigue. L’avantage, c’était que son corps allait s’y habituer avec le temps – le fait qu’elle ait dix-huit ans était une bonne chose à priori car c’était l’âge où les magiciens finalisaient leur apprentissage et, surtout, leur croissance, soit le bon moment pour faire assimiler au corps et au cerveau différents types de magie puissantes sans que cela ne perturbe leur développement.


Elle avait inconsciemment ressassé cela durant ses songes, cela au point de se réveiller peu avant midi, se demandant un instant comment elle était arrivée jusqu’à son lit avant de se souvenir que Cordelia l’avait portée jusque-là – la présence de ses vêtements soigneusement pliés dans sa salle de bain était une preuve suffisante pour lui faire savoir que la succube était passée par là. Une fois douchée et habillée, elle était descendue dans la salle à manger, sentant une bonne odeur de nourriture venir de la cuisine, et y trouva Lucinda qui était au téléphone.

—… va bien, ne vous inquiétez pas, dit son amie avant de remarquer sa présence. Oh ! Elle est levée ! Je vous la passe tout de suite !

—Qui au juste ? questionna Eurydice alors que la vampire lui mettait son smartphone dans la main.

—C’est ta mère. Giulia m’a envoyé un texto pour me dire que tes parents te cherchaient partout alors je les aie appelés.


Oups ! Avec tout ça, elle avait oublié de les joindre et… de demander où était passé son téléphone à Margaux et à Sirius – depuis le temps, il ne devait plus avoir de batterie. Elle la remercia silencieusement avant de mettre le téléphone contre son oreille.



—Maman ?

—Eury ! Enfin ! s’exclama sa mère avec soulagement. Que s’est-il passé à Windenburg ?! Tu ne répondais plus à ton téléphone et Erika n’arrivait pas à te joindre elle non plus.

—Un abruti m’a fait un sale coup quand je rentrais à la location, expliqua-t-elle sans entrer dans les détails. J’me suis retrouvée paumée dans les bois et bien amochée mais quelqu’un m’a recueillie et j’ai récupéré une partie de mes affaires après.


Elle préférait ne pas tout lui dire, principalement parce que c’était compliqué à expliquer, mais c’était difficile avec sa chère mère qui la bombardait de questions – elle lui précisa donc qu’elle allait très bien et que Lucinda était avec elle chez des amis près de Windenburg, ce qui, techniquement, n’était pas un mensonge.


—T’es encore à Oasis avec Papa ? demanda Eurydice quand le flot de questions se calma assez pour qu’elle puisse en placer une.

—Probablement pour encore deux ou trois jours, répondit sa mère sur un ton un peu… bizarre. Y a eu des attaques étranges en ville et le copain de ton frère, Iowa, a rencontré une fille avec qui il enquête un peu sur la chose. On l’a rencontrée tout à l’heure et elle est très sympathique. Elle nous a donné de bonnes adresses où bien manger pour un prix raisonnable.



—Des attaques étranges ? répéta-t-elle, attirant l’attention de Lucinda et de Cordelia qui venait d’entrer, la poussant à activer le haut-parleur. Tu peux préciser ?

—Iowa et cette fille, Soraya je crois, ont dit que c’était des sortes de… démons ? Heureusement, personne n’a été blessé et ils se sont évanouis aussi vite qu’ils sont apparus.

—Une question madame Fox, fit la succube en plissant les yeux. Ces démons, ils évitaient des lieux en particulier ?

—C’est la mère de l’ami chez qui je suis, expliqua Eurydice.



—… Ils étaient entrés dans le musée pendant qu’Iowa vérifiait les préparatifs de l’exposition sur le temple de la ville et ils n’ont strictement pas bougé de l’entrée d’après ses dires. Il n’est pas entré dans les détails mais… Est-ce que ça a un lien avec ce fichu coffre dans le grenier de notre maison et que ton père a interdiction de toucher ?

—On nous avait informé de ce coffret mais pas que vous étiez au courant de son contenu, souligna Cordelia, quelque peu étonnée. Dans ce cas, je vous informe que quelqu’un de qualifié a détruit ce coffret et qu’il ne devrait plus jamais vous tourmenter. Cependant, avant que cela ne se fasse, quelqu’un d’autre est entré chez vous et a certainement touché ce coffret alors qu’il aurait dû s’abstenir de le faire. Je vous passe les détails pour cette fois mais si vous le souhaitez, je peux me déplacer pour qu’on en discute calmement une fois que vous serez de retour chez vous.

—Cela me convient.


La discussion se poursuivit encore quelques minutes, juste le temps de prendre des nouvelles et de s’assurer que tout allait bien, avant de raccrocher, cela pile au moment où Dimitri arriva dans la pièce en compagnie de Margaux. Ils parlèrent un peu entre eux avant qu’elle ne s’éloigne avec la magicienne.



—Margaux, vous auriez trouvé mon téléphone à tout hasard ? demanda Eurydice. Ma mère est passée par Lucy pour me joindre.

—Mes excuses, lui répondit la Ténébreuse, confuse. Avec tout cela, j’ai oublié de te le restituer…

—Ce n’est pas grave. Là où je vais, je pense pas en avoir besoin après tout.



Margaux insista tout de même pour le lui rendre, cela même s’il était déchargé, puis ils étaient tous allés manger un morceau – enfin… c’était surtout elle, Gabriel et Cordelia qui avaient partagé le repas vu que Margaux n’avait, apparemment, pas la nécessité de manger et que le régime alimentaire de Dimitri et de Lucinda impliquait plus une consommation de Plasmafruits qu’autre chose. Ils avaient échangé sur quelques sujets anodins, notamment pour faire mieux connaissance – elle avait failli s’étrangler en apprenant que Gabriel avait plus d’un millénaire, cela grâce à un sort d’immortalité fait avec une sorcière au fin fond d’une jungle hostile.


Puis une heure après, ils montèrent tous sur le toit : le moment était venu d’aller dans le Jugement et tout avait été mis en place pour cela.



—Faites très attention à vous, leur rappela Gabriel avec gravité. Nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’il se passe à l’intérieur donc impossible pour nous de vous aider.

—Les invocations des Tomes seront peut-être notre seule source d’information, ajouta Margaux. J’ai bien rappelé à Farah, Selena et Sirius de nous dire tout ce qu’ils avaient pu percevoir si jamais ils étaient appelés à l’aide.

—Vous avez un problème Dimitri ? questionna brusquement Cordelia.


Effectivement, le vampire semblait concentré sur autre chose, cela jusqu’à ce que la succube l’interpelle.



—Toutes mes excuses, dit-il, ses narines frétillant légèrement. Un parfum m’a distrait.


Une fois tous prêts, Eurydice, Lucinda, et Dimitri invoquèrent de nouveau le Jugement mais, au lieu d’y expédier quelqu’un en particulier, ils en ouvraient les portes pour eux-mêmes et les traversèrent d’un pas décidé…



… pour se retrouver dans un dédale de portes et de couloirs en pierre.


—Qu’est-ce qu- commença Eurydice en se tournant derrière elle… avant de réaliser avec effroi qu’elle était toute seule. Lucy ? Dimitri ? Vous êtes-là ?


Aucune réponse… Elle les appela à nouveau, sa voix faisant un écho… Même résultat… Et là, elle comprit : ils étaient certainement en train de subir le Jugement…


Comment allait-elle les retrouver ici alors que cet endroit était un vrai labyrinthe sans la moindre indication ? Même en usant des méthodes qu’elle connaissait pour sortir d’un dédale, le fait qu’elle allait devoir vérifier toutes les portes allait lui faire perdre un temps qu’elle ne possédait pas forcément et en prime, elle ignorait à quel point ce lieu était vaste.


Soudain, un son attira son attention suivit d’un « saleté ! » bien sonore venant d’un couloir adjacent. Elle alla jeter un œil… et tomba sur une personne qu’elle ne s’était pas du tout attendue à voir ici, la reconnaissant au son de sa voix – c’était quoi ce costume au juste ?!



—Mais qui laisse un arc dans le passage ?! pesta cette fille qu’elle avait croisé la veille à l’Outre-Tombe. Sérieu- Oh !


Manifestement, elle aussi l’avait reconnue – de mémoire, elle avait dit s’appeler Roxane. Ça allait faciliter les choses…



—Comment t’es entrée ici toi ?! s’exclama Eurydice, ne cachant pas sa surprise la voir en ce lieu.

—… J’ai escaladé la paroi et j’ai sauté le moment venu.


… Quel était le pourcentage de chance que c’était ce qui avait distrait Dimitri plus tôt ? Bizarre d’ailleurs qu’il n’ait rien dit car elle avait cru comprendre qu’il avait aussi une bonne oreille…



—Le Jugement ne ressemble en rien à l’Epreuve, souligna Roxane, prenant en main l’arc dans lequel elle avait dû se prendre les pieds plus tôt. C’est un vrai labyrinthe ! L’Epreuve a au moins l’avantage d’être un couloir…

—Attends… réalisa soudain Eurydice. Comment ça se fait que tu n’es pas affectée toi aussi ? Tu es aussi…

—… Ouais… J’suis un Cœur Vaillant…


D’accord… Bon, ce n’était pas le moment de chercher à comprendre ce bordel mais quand elle aura l’occasion de le faire, elle comptait bien se pencher là-dessus, de préférence après avoir mis la main sur Ezekiel, Lucinda et Dimitri si elle parvenait à les trouver.



—Peut-être pas plus mal vu le… contexte, fit-elle en grimaçant. Je crains que Lucinda et Dimitri ne subissent eux aussi le Jugement et je ne peux pas les chercher seule à l’aveugle.

—Pardon ?! s’exclama son interlocutrice avec effroi. Oh la poisse… Faut surtout pas qu’ils restent séparés trop longtemps ou bien ça va être un carnage !

—Comment ça ? Tu veux dire quoi au juste et d’où tu les connais ?

—C’est… un peu compliqué à expliquer mais j’ai peut-être moyen de les localiser… si ce truc se décide à fonctionner.


Eurydice la fixa bizarrement avant qu’elle ne lui désigne le bijou qu’elle avait autour du cou – de mémoire, elle le portait déjà lors de leur première rencontre et excepté qu’elle le trouvait joli, elle ne voyait rien qui sortait de l’ordinaire. Elle vit son alliée inattendue donner plusieurs pichenettes sur la pierre blanche, sans succès, avant de lâcher en grognant un « Mais pourquoi cette saleté s’active jamais au bon moment ?! », le tout en laissant tomber l’arc qu’elle tenait en main… provoquant, à leur surprise mutuelle, un rai de lumière dorée venant de l’arme qui vint frapper le collier, faisant s’allumer légèrement sa pierre.



—Ça… c’est une première… fit Roxane avant de faire un pas de côté, ce qui fit légèrement s’intensifier la lueur. Désolée, mais bien que ça fasse un moment que je suis en possession du collier de Psyché, je ne comprends toujours pas comment il fonctionne et il semble plus en faire à sa tête qu’autre chose ! La seule chose que je sais, c’est qu’il détecte les alignements rares… je crois.



—Tu crois ? répéta Eurydice, incrédule, avant d’hausser les épaules. Bon, de toute manière, ce n’est pas comme si on avait le choix donc allons-y mais cette fois, essaie de ne pas me fausser compagnie parce qu’autrement, je serais beaucoup moins sympa.

—Pas de souci. Oh et désolée pour hier… J’ai paniqué.

—T’es excusée pour cette fois. Et c’est pour quoi le costume ? T’es un super-héros ?

—Oui et non… Colombine est le nom que j’utilise quand je suis habillée comme ça.


Toutes les deux, elles parcoururent ce labyrinthe de portes et de couloirs en pierre, revenant partiellement sur leurs pas quand elles voyaient que la lueur du collier faiblissait ou poursuivant leur route quand elle s’intensifiait – elle nota que son alliée semblait parfois confondre droite et gauche, ce qui, sans ce bijou, leur aurait certainement posé de gros problèmes. Difficile de dire combien de temps elles avaient marché mais, en arrivant devant une porte, la lumière, très intense, s’arrêta brutalement. Roxane, à tout hasard, s’éloigna de la porte et la lumière se ralluma aussi sec pour à nouveau s’éteindre d’un coup quand elle revint devant la porte.



—A priori, il faut ouvrir cette porte, constata-t-elle, quelque peu tendue.

—Allons-y.


Sans hésiter, Eurydice ouvrit la porte devant elles et toutes deux furent éblouies pendant une seconde… avant de se retrouver dans un lieu totalement différent qui ressemblait curieusement à un hall… mais de quoi ? Elle ne reconnaissait pas cet endroit…



—L’Opéra de Newcrest…, souffla Roxane dont le regard violine détaillait les lieux en pétillant de joie. Nous sommes dans la grande entrée. De mémoire, on peut accéder à la scène par la gauche en passant par les coulisses…

—Tu connais cet endroit toi ? questionna Eurydice, surprise. C’est la première fois que je mets les pieds ici. Les places sont assez chères et il était en travaux quand j’étais ado…

—J’y allais souvent quand j’étais enfant bien que je n’ai jamais pu voir une représentation. Il m’y emmenait toujours pour s’éloigner de l’ambiance pesante qu’il y avait à la maison. A tous les coups…


Sans prévenir, Roxane lui prit le poignet, la guidant dans l’Opéra – le bâtiment était absolument somptueux et elle nota dans un coin de sa tête de venir le visiter quand elle en aurait le temps. Atteignant les coulisses, elles entendirent le son de plusieurs voix qui, quand elles s’approchèrent furent plus aisées à distinguer : deux hommes et une femme. Eurydice voulut continuer mais son alliée l’en dissuada, la faisant revenir partiellement sur leurs pas pour ensuite se faufiler dans une loge avec vue sur la scène… où se trouvaient Dimitri face à deux personnes qu’elle ne connaissait pas.



—…lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus inf- récitait avec force un homme aux cheveux blonds en marchant sur la scène avant de s’interrompre. Puis-je savoir ce qui t’amuses cette fois-ci Anya ? Tu me déconcentres.

—C’est Kristoph Karchanov et il récitait une réplique de la pièce « On ne badine pas avec l’amour », chuchota Roxane avec admiration avant qu’elles reportent leur attention sur ce qu’il se passait.


La dénommée Anya, une jeune femme aux cheveux blonds coiffées en chignon qui se tenait à côté de Dimitri, était effectivement en train de sourire, cela un peu trop pour que cela soit autre chose que de l’amusement.



—Mes excuses Kristoph mais te voir dans ce rôle qui ne te convient manifestement pas me provoque une crise d’hilarité que je peine toujours à contenir ! déclara-t-elle avec un ton joyeux, sa voix trahissant un léger accent. Ce cher Dimitri s’en sort bien mieux que toi en tant que Perdican, cela même s’il devrait revoir sa coupe de cheveux actuelle. Sans vouloir t’offenser bien entendu.

—Ce n’est rien Anya et n’exagérons rien, dit Dimitri avec calme. Cette pièce n’était pas la préférée de notre troupe, nos caractères à Kristoph et moi-même en étant la principale cause. Et Anya, aurais-tu déjà oublié ta première performance comme Lady Macbeth lors de nos anciennes répétitions ?


A cette question, elles virent le sourire de la femme s’effacer brutalement… puis sa forme sombre prendre le dessus, signe qu’elle était un vampire.



—Oh ce rôle… gronda-t-elle avec une certaine rage. Il m’a rendue complètement folle ! Obligée de jouer sous cette apparence car personne ne me prenait au sérieux en tant que Lady Macbeth lors de la première !



—Tes traits étaient trop doux Anya, c’est pour cela que j’ai dû t’imposer de sortir les ténèbres en toi avant que l’on ne rectifie ton maquillage, déclara Kristoph dont le son de la voix trahissait le fait qu’il souriait. Dimitri a été un excellent partenaire pour toi. Sa voix grave et les intonations qu’il prenait ajoutant juste ce qu’il fallait à cette pièce.

—Dois-je en conclure que votre jugement à tous les deux consiste à évoquer le bon vieux temps ? répliqua Dimitri, l’air agacé. Si c’est le cas, nous en avons pour un moment, surtout si l’on en vient à décortiquer toutes nos performances sur scène…


Cette phrase permit à Eurydice de comprendre que Dimitri avait bien compris ce qu’il se passait… et vu qu’il était face à deux vampires, manifestement très familiers avec le milieu du théâtre, elle n’était pas très tentée d’intervenir car, pour l’instant, il semblait maîtriser la situation.


Soudain, Anya, toujours dans sa forme sombre, se figea sans raison apparente… avant de brutalement tourner la tête dans leur direction, arrachant un « Merde ! » à Roxane qui eut juste le temps de s’interposer entre elle et la vampire.



—COURS !


Sans chercher à comprendre, Eurydice quitta vite la loge, laissant Roxane aux prises avec Anya qui ne s’était pas attendue à cette résistance-ci si elle se fiait aux sons qu’elle avait entendus – elle suspectait que c’était des jurons mais elle ne reconnaissait pas la langue. Seulement, elle eut à peine fait deux pas dans le couloir qu’elle se fit coincer par Kristoph, tous crocs dehors.



A cet instant, elle était perdue, sachant qu’elle n’aurait pas assez de temps pour user d’une invocation pour se tirer de ce traquenard…


Soudain, le vampire se fit tirer en arrière par Dimitri, lui aussi sous sa forme sombre, qui avait visiblement eut la bonne idée de le suivre et qui se plaça entre eux deux pour la protéger.



—Bas les pattes Kristoph ! gronda Dimitri alors qu’elle essayait au plus vite de se remettre du choc subit. Elle n’a rien à voir avec tout ça !

—Oh ? fit le vampire, l’air intéressé, alors que des cris résonnaient depuis la loge. Tu t’es donc fait de nouveaux amis, toi, le grand solitaire…

—Nous réglons cela entre vampires, sur scène, sans faire de mal à un humain. Elle restera en dehors de ça, juste en simple spectatrice.

—Entendu… Vous avez dix minutes pour vous préparez, pas une de plus.


Sur ces paroles, Kristoph scanda « ANYA ! » avant de s’en aller calmement, permettant à Eurydice de pouvoir enfin lâcher un soupir de soulagement – le regard de ce type était absolument flippant et elle n’avait pas du tout envie qu’il lui suce le sang. Quand il fut parti, Dimitri reprit sa forme humaine puis se tourna vers elle, l’air sévère.



—Je ne m’attendais pas à ce que tu viennes ici, déclara-t-il en plissant légèrement les yeux. J’aurais pensé que Lucy et toi seriez en train de vous occuper d’Ezekiel…

—Ça va être compliqué… fit-elle en grinçant des dents. Quand on est entrés dans le Jugement, je me suis retrouvée toute seule dans un dédale de portes et de couloirs avant de comprendre pourquoi…


Quand elle eut prononcé ces mots, elle vit le visage du vampire se décomposer, la panique s’emparant brusquement de lui.



—PARDON ?! s’exclama-t-il avec stupéfaction. Mais… Qui est avec toi du coup ?!


Sur ces mots, la porte de la loge s’ouvrit sur Roxane qui remettait en place son costume, visiblement abîmé lors de son combat contre Anya… puis qui alla à toute vitesse vers les coulisses sous le regard interloqué de Dimitri.



—Apparemment, elle nous a suivis dans le Jugement et c’est aussi un Cœur Vaillant… résuma Eurydice tandis qu’elle voyait les narines du vampire frémir. D’ailleurs, tu n’aurais pas remarqué sa présence à tout hasard ? T’étais déconcentré avant que l’on entre…

—Son parfum est proche de celui de Lucinda donc je n’en étais pas certain, admit-il en grognant. Et j’en conclus qu’elle était bien en train d’espionner hier…

—Pour ça donc qu’elle te connait… Mais sans elle, je n’aurais pas réussi à te trouver aussi vite et à me diriger dans l’Opéra. Elle a l’air de le connaitre par cœur et d’être plus calée en théâtre que moi vu qu’elle savait qui était le type bien flippant.


Cette information sembla intriguer Dimitri qui, d’un geste, l’invita à suivre leur alliée qui, quand ils entrèrent dans les coulisses, avait manifestement quitté sa forme sombre, révélant ses cheveux châtains et le fait qu’elle examinait son costume, manifestement plus portable à ses yeux – en même temps, c’était déjà un miracle en soit qu’il ait tenu en place aussi longtemps vu la profondeur du décolleté.



—Ça va Roxane ? questionna Eurydice tandis que la jeune femme jeta le vêtement au sol.

—J’ai sous-estimée Anastasia Lazarev ! répondit Roxane en fouillant dans les costumes de la pièce. Et elle s’est fichue de ma tronche à cause de ma tenue ! Non mais qu’elle tente de se faire un costume décent sans savoir coudre et avec un salaire de serveuse !

—Anya se préoccupe pas mal des apparences, certainement parce qu’elle a toujours eu des rôles importants qui nécessitaient qu’elle soit irréprochable sur ce point et sur sa performance, précisa Dimitri en plissant les yeux. Et je vois que tu sembles bien familière avec cet univers car peu de vampires se souviennent des noms complets d’Anya et de Kristoph…



A cette remarque, Roxane se figea, se tournant nerveusement vers eux – manifestement, c’était la présence de Dimitri qui la perturbait le plus et, vu la manière dont ses yeux se déplaçait, elle était très mal à l’aise qu’il la voit sous sa vraie apparence. Elle avait visiblement encore des trucs à cacher…


—J’expliquerai plus tard, je vous le jure, fit-elle en grinçant des dents. Juste…

—On règle le problème avec Kristoph et Anya, coupa Dimitri, soulageant la vampire. Tu as cinq minutes pour être prête. Nous t’attendons dehors.


D’un signe de tête, Roxane indiqua qu’elle avait compris puis ils quittèrent la pièce, le vampire fixant la porte avec méfiance avant de quitter sa forme sombre.



—Que sais-tu à son sujet ? demanda-t-il une fois certain qu’ils étaient seuls.

—Pas grand-chose en fait, admit Eurydice sans détours. Je l’ai rencontrée la veille à l’Outre Tombe et elle semblait en savoir plus qu’elle ne voulait bien le dire vu qu’elle a admit connaitre Ezekiel et que nous sommes manifestement du même côté… et alignement. Si elle a mentionné qu’elle a été à l’école à domicile, elle m’a jamais dit d’où elle venait.

—C’est elle qui t’a abordée ou l’inverse ?

—En fait, j’étais assez… mal donc elle était là et j’ai vidé mon sac mais sans donner de noms, j’en suis certaine. D’ailleurs, elle était pas tranquille de te savoir séparé de Lucy. Ça craint à ce point de la laisser seule ?

—J’espère vraiment que non… Et elle a parlé d’école à domicile ? Cela collerait avec ce qu’elle m’a dit sur le fait qu’elle n’a pas côtoyé ses pairs vampires mais pour avoir les connaissances qu’elle a…


Eurydice voyait à l’expression de Dimitri qu’il réfléchissait, passant surement en revue toutes les informations qu’ils avaient sur leur alliée tout en lui demandant si elle se souvenait d’autre chose. En creusant dans sa mémoire, elle se souvint du coup du costume et de l’alias qui allait avec et, quand elle en informa le vampire, il ouvrit de grand yeux surpris.



—Colombine tu dis ? répéta-t-il, interloqué. C’est un personnage de la Comedia dell’Arte et, quand Anya jouait ce rôle sur scène, elle était toujours en blanc… Roxane est aussi un personnage de théâtre, d’une de mes pièces favorites d’ailleurs qui est Cyrano de Bergerac…


Il s’interrompit quand Roxane les rejoignit, ayant revêtu sa forme sombre et étant à présent vêtue d’un pantalon, d’un gilet et d’une chemise qui était clairement celle d’un homme – visiblement, elle n’avait refait que partiellement son maquillage, se contentant d’un rouge à lèvres bien vif et d’un trait de crayon, mais n’avait pas touché à ses cheveux.



—Rien à ta taille je présume, fit Dimitri en observant sa tenue. Cela vient d’un de mes costumes si ma mémoire est juste.

—Oui… confirma la jeune femme, l’air mal à l’aise. Ceux d’Anya sont magnifiques mais trop petits pour moi.

—Elle sera déjà de meilleure humeur en te voyant ainsi. Par contre, c’est une histoire entre vampires donc tu vas devoir participer et veiller à ce qu’ils ne mordent pas Eurydice. Ils détestent tuer dans un lieu comme celui-ci mais lui prendre du plasma, c’est une autre histoire…


Bon à savoir… Elle allait donc bien rester à l’écart et se contenter de regarder, c’était préférable. A tout hasard, elle allait tout de même utiliser ce sort dont Sirius avait usé pour écouter les conversations, ne serait-ce que pour qu’il puisse transmettre toutes les informations à Margaux.


Etant tous prêts, ils se rendirent sur la scène où les attendaient Anya, qui avait reprit sa forme humaine, et Kristoph qui, en les voyant arriver, rangea sa montre à gousset dans la poche de son gilet avant de leur sourire d’une manière quelque peu… perturbante.



—Mieux comme costume, fit Anya dont le regard détaillait la tenue de Roxane. Et tu sais te maquiller bien qu’avec tes traits, cette couleur te vieillit. En revanche, comment se fait-il que tes cheveux soient dans cet état ?! On dirait de la paille ! Et puis ces pointes claires…



—Là d’où je viens, c’était à la mode, répliqua Roxane en se passant une main dans ses cheveux… qui, effectivement, étaient très secs vu le son qu’ils faisaient. Et je n’ai pas de forme sombre comme vous autres donc j’ai fait comme j’ai pu en les décolorants.

—Dois-je supposer que tu n’entretiens pas tes cheveux, même sous ta forme humaine ? Je serais toi, je couperai tout ça pour repartir sur une meilleure base car ce que tu as utilisé a plus massacré tes cheveux qu’autre cho-

—Anya, coupa Kristoph en la fixant d’un air sévère. Bien que je partage ton point de vue sur cette négligence, ce n’est pas la raison de notre réunion ici.


La vampire se tut, l’air quelque peu agacée de ne pas avoir pu poursuivre, mais le regard glacial de son comparse lui fit détourner les yeux, honteuse.



—Avant de débuter, puis-je savoir comment tu te nommes jeune fille ? demanda Kristoph en se tournant vers Roxane.

—Roxane mais sous cette forme, je préfère Colombine, répondit Roxane avec aplomb, visiblement peu impressionnée par ceux leur faisant face.

—Intéressant… Dommage que nous soyons morts car je t’aurais bien auditionnée pour un second rôle… Un drame peut-être car je ne t’imagine pas dans un vaudeville.


Le regard du vampire la détaillait avec insistance, plus par simple curiosité que par désir… avant de brusquement se figer de surprise en notant un détail en particulier – d’où elle était, Eurydice ne pouvait pas dire ce que c’était mais vu la façon dont Dimitri bougeait sensiblement la tête, il avait lui aussi noté cela.



—Trèves de politesse, fit Dimitri, reportant sur lui l’attention de tous. Je n’ai aucune rancune contre vous deux malgré la façon tragique dont s’est achevée notre troupe. De plus, je mentirai en disant que je regrette d’avoir dû te tuer Kristoph vu les circonstances mais je pense que tu t’en doutais déjà.

—Exact, répondit l’intéressé avant de sourire. Et puis, en toute honnêteté, Anya et moi avions déjà bien vécu et la mort que nous avons reçue, bien que brutale, était en accord avec nos idéaux.

—Mourir ici fut un immense honneur, confirma Anya. Cependant, j’admets que j’aurais préféré que ce soit sur scène et non lorsque je me changeai en coulisses…



—Toi en revanche Dimitri… T’avoir sorti de la misère dans laquelle tu étais quand je t’ai trouvé a certainement été une de mes plus belles réussites, surtout vu de quelle manière tu t’es épanoui sur la scène. Qui aurait cru que ce grognon solitaire que tu étais se plairait tant parmi nous ? Tu étais fait pour être un vampire, cela se ressentait tant tes ténèbres étaient fortes et avaient besoin d’être maitrisées.

—Et je t’en suis grandement reconnaissant, déclara Dimitri avec respect. Bien que cette période où je n’étais qu’une âme en peine reste floue dans mon esprit, tu m’as donné beaucoup, peut-être même plus que je ne le méritais. Rien ne rachètera les crimes que j’ai pu commettre, cela même s’ils étaient tous motivés par la volonté de protéger ce qui m’était cher.


A ces paroles, une moue dégoutée apparue brièvement sur les lèvres d’Anya tandis que Kristoph perdit son sourire.



—Nous avons tous deux du sang sur les mains, que cela nous plaise ou non, déclara le vampire avec gravité. J’ai usé de toi pour faire ce sale travail avec moi qui était abject mais nécessaire à notre survie.

—Merci de me rappeler cet admirateur qui a tenté de me tuer dans ma loge après la première du Cid, fit Anya en fronçant le nez. Vous l’aviez bien démembré de mémoire…


Eurydice fit de son mieux pour ne surtout pas imaginer cela…



—Imagine qu’il ait été un tueur en série, fit Kristoph dont le ton trahissait sa haine pour l’individu. Il était impensable de le laisser s’en tirer vivant, tout comme ceux qui avaient découvert notre vraie nature car tu sais aussi bien que moi à quel point les chasseurs de vampires étaient actifs à notre époque…

—Sans vouloir vous presser, j’ai des amis qui aurait bien besoin de notre aide et plus nous tardons, plus ce sera compliqué, souligna Dimitri avec justesse.


En entendant cela, les deux vampires leur faisant face échangèrent un regard puis un hochement de tête… avant que d’un signe de main, Eurydice vit qu’ils lui demandait de s’approcher, cela bien qu’elle n’était pas très tranquille à l’idée d’être plus près de leurs crocs acérés.



—Vu la situation, nous clôturons là les échanges de souvenirs car il est clair pour nous que tu peux partir sans sentence, déclara Kristoph avant de reporter son attention sur Roxane. Par contre Colombine, où as-tu trouvé ce collier au juste ?


Surprise que l’on s’adresse à elle, leur alliée ouvrit de grands yeux durant quelques secondes avant de répondre.



—Celui-ci ? fit Roxane, surprise, en désignant son bijou. C’était un cadeau… de mon père. J’ai appris après sa mort que c’était une relique. Pourquoi cette question ?

—Parce que la dernière fois que je l’ai vu, c’est quand j’ai trouvé la crypte cachée sous cet opéra, autour du cou d’une morte qui devait appartenir à la noblesse et dont la dépouille, étonnamment bien conservée, repose au fond du bassin, expliqua Kristoph avec gravité. De mémoire, il y avait une lettre avec elle sur un parchemin écrite à une certaine Teresa d’Avalon.


A la mention de ce nom, Eurydice et Dimitri eurent un sursaut tandis que Roxanne entrouvrit la bouche, stupéfaite.



—Teresa d’Avalon ? répéta Dimitri, interloqué. Tu veux dire que depuis tout ce temps, son corps reposait ici ?!

—Ce lieu existait à l’époque d’Avalon ? questionna Eurydice qui trouvait cela suspect, n’ayant pas souvenir que Margaux ait inclut Newcrest dans les anciens territoires de ce royaume.


A sa question, Dimitri grimaça, hochant négativement la tête.



—Impossible, dit-il. L’Opéra n’a pas mille ans don-

—Le bâtiment non mais le lieu sur lequel il a été construit, très certainement, coupa Kristoph. J’ignore qui était l’architecte mais il avait forcément connaissance de cela pour avoir créé un passage secret permettant de s’y rendre. J’en conclus que cela vous intéresse ?

—Le hasard veut que cette Teresa soit mon ancêtre…


D’un coup, Eurydice fit un bond, voyant du coin de l’œil les deux autres vampires acteurs faire de même. Depuis quand au juste savait-il cela et pourquoi n’en avait-il pas parlé ? Lucy était-t-elle au courant ? Et puis…



—Mais je présume, Roxane, que tu étais déjà au courant, poursuivit Dimitri, son regard violine glissant vers leur alliée qui fixait à présent le sol. Et ne me dis pas que tu as entendu Kate le dire quand tu « espionnais » car, vu que tu sembles avoir bien du mal à me mentir, tu as dis vrai quand tu déclarais n’en avoir entendu qu’une partie, n’est-ce pas ?

—… Je le savais depuis pas mal de temps, je confirme… dit-elle avant de déglutir. J-

—Plus tard. Kristoph, concernant ces chasseurs de vampires qui ont débarqués ici, tu avais une idée de qui les avaient renseignés ? Un fait étrange auquel tu n’avais pas prêté plus d’attention que cela ?


A cette question, le vampire se mit à longuement réfléchir…. avant de froncer les sourcils, l’air contrarié.



—Maintenant que tu le dis… fit Kristoph, pensif. J’ignore si c’est lié mais une femme assez… étrange était venue quelques jours avant. De grand yeux verts avec de longs cheveux blonds, plutôt belle selon les critères de l’époque bien qu’elle me dérangeait plus qu’autre chose. Elle avait un bouquet de fleurs pour toi que j’ai refusé en la mettant à la porte.

—Je ne me souviens pas que Dimitri ait reçu des fleurs avant notre mort, s’étonna Anya, imitée en cela par le concerné. Pourquoi les as-tu donc refusées ?

—C’était des œillets, une attention que j’avais trouvée de très mauvais gout et que, à l’époque, j’avais attribuée au directeur des lieux qui ne t’appréciait guère… Seulement, quand il y a eu l’attaque, j’ai revue mon opinion…


Face à son incompréhension sur ce bouquet, Roxane lui expliqua rapidement qu’offrir des œillets à un acteur portait malheur, éclairant Eurydice sur ce point précis.



—Elle voulait m’éliminer… en conclut Dimitri avec gravité. Dans ce cas, Anya, Kristoph, il est plus que temps que nous partions. Cette vermine court toujours et il est plus que temps de s’occuper de son cas.

—Adieu Dimitri ! fit Anya en lui souriant. C’était un vrai plaisir de te revoir, même si ce fut bref.

—Une dernière chose avant que tu ne partes, dit Kristoph. Le nom que tu portes est celui qui était sur les papiers que tu avais sur toi quand je t’ai trouvé mais aucune photo n’y était jointe. Vu que tu ne t’intéressais nullement à tes origines, je m’étais contenté de les laisser en lieu sûr, dans cette fameuse crypte. S’ils se sont conservés correctement, tu devrais pouvoir les récupérer.

—Je t’en remercie.


Sur ces paroles, Kristoph et Anya firent une révérence, telle celle que les acteurs faisaient à leur public à la fin d’une représentation… puis ils furent brièvement éblouis avant de se retrouver dans le dédale de pierre, cette fois-ci avec Dimitri qui observait les lieux en grognant.



—Très perturbant… grimaça-t-il en voyant le nombre de portes. Combien en existe-t-il au juste ?

—Beaucoup trop, répondit Eurydice, vérifiant en touchant son oreille que son sort d’écoute était encore actif. Cela semble être sans fin et sans le collier de Roxane, nous ne t’aurions jamais trouvé.

—Et encore, parce qu’il a daigné fonctionner, déclara l’intéressée qui frappa un coup sur la pierre de son bijou, sans résultat. On m’avait dit qu’il détectait les alignements rares mais la seule fois où il a réagit depuis mon arrivée est ici alors qu’il aurait dû le faire plusieurs fois à Forgotten Hollow.

—D’ailleurs Roxane, t’as pas des trucs à nous avouer ?


La concernée était hésitante, n’ayant visiblement pas envie de parler, mais un signe de la tête de Dimitri la fit finalement soupirer de résignation.



—Quand nous aurons récupéré Lucinda, je donnerai la version complète, finit-elle par dire. Ce que je peux dire, c’est que, aussi dingue que cela paraisse, il semblerait que je vienne d’une sorte de… réalité alternative à la votre ? C’est ce qui me parait le plus simple comme réponse car une fois que j’ai traversé ce portail, j’étais dans un monde que je connaissais mais je croisais des personnes que je n’étais pas censées rencontrer.

—Comme moi, déclara Dimitri. Là d’où tu viens, je présume que je suis mort car autrement, tu n’aurais pas eu la réaction que tu as eue en me voyant la première fois.


D’un signe de tête, Roxane confirma cette supposition.



—Et si on continue comme ça, l’Ezekiel que tu connais n’est en fait pas le même que le notre, proposa Eurydice, ce qui lui fut vite confirmé. Donc ces portails qui seraient apparus avec ces démons mineurs…

—« Ces portails » ?! tiqua leur alliée. Vous voulez dire que d’autres auraient traversé comme moi ?! Oh c’est mauvais ça…

—Malheureusement, qui que soit ces personnes, il va falloir espérer qu’elles ne se mettent pas dans nos pattes, fit Dimitri dont les narines frétillaient. Et nous allons peut-être pouvoir nous passer du collier d’ici quelques secondes j’espère…


Visiblement, le vampire essayait de repérer une odeur en particulier, celui-ci étant occupé à trier celles qu’il percevait – elle l’entendait murmurer « forêt de pins », « sable chaud » ou « argile », comme s’il procédait par élimination. Puis d’un coup, ses yeux s’agrandirent : il avait trouvé quelque chose.



—Je perçois le parfum de Lucinda, les informa-t-il avant de grimacer. En revanche, impossible de saisir celui d’Ezekiel.

—Alors avançons et si tu perçois l’odeur d’Ezekiel en chemin, nous aviserons, proposa Eurydice.


Voyant que cela convenait aux deux vampires, ils se mirent en route sans tarder, estimant qu’ils avaient déjà perdu assez de temps comme cela.


Seulement, au détour d’un couloir, aucun d’eux ne réalisa qu’ils étaient observés par deux spectres, deux êtres, auparavant parmi les plus puissant qui soient et dont il ne restait qu’une ombre de leurs âmes, condamnées à être spectatrices de ces événements qui se déroulait dans ce domaine dont elles étaient pourtant fondatrices…



—Penses-tu qu’elle s’est aperçue de la présence de ce second Cœur Vaillant ? questionna la femme de laquelle émanait un parfum évoquant le sable du désert.

—Pas encore Isis mais cela ne saurait tarder, répondit l’homme à la fragrance typique de celle qu’aurait une forêt de pins de Windenburg. Elle a surement toute son attention sur Ezekiel et sur nous empêcher d’intervenir auprès d’eux car dans le cas contraire, je leur aurais déjà montré la sortie.

—Pourtant Loki, il m’avait semblé que tu avais quelque peu triché sur ce point…


A cette remarque de sa collègue d’Heaven, le dieu rusé grimaça, comprenant que le dernier ajustement qu’il avait pu faire avait fini par être découvert.



—Il existe encore, signe que Bérénice ne l’a pas déniché, déclara-t-il. Mais le hic, c’est qu’il n’existe qu’un moyen de passer par cette porte et cette garce se sert d’une clé du Jugement pour contrôler ce lieu, ce qui fait que je ne peux rien faire ! Et visiblement, elle a bien compris que l’on faisait trainer le plus possible le jugement d’Ezekiel…

—Chance pour Athéna qu’elle soit dans l’Epreuve car le double de son âme est encore totalement libre de ses actions, commenta Isis en soupirant. N’y a-t-il donc aucun moyen en notre possession pour intervenir et empêcher cette semeuse de chaos de parvenir à ses fins ?


Oh, Loki avait bien une idée car, dans sa hâte de prendre possession des lieux, cette chère Bérénice semblait avoir oublié quelqu’un ou, du moins, vérifier qu’il était bel et bien mort avant de mettre un pied ici. Cette occasion, il l’avait bien entendue saisie, cela en sanctionnant directement cette personne, faute de pouvoir la faire passer en jugement vu son état qui était… loin d’être brillant – incroyable qu’il ait survécu aussi longtemps mais, vu ce qu’il avait déniché sur cet individu, la source de sa ténacité n’était pas bien difficile à deviner.

Et à présent, il devrait être prêt à découvrir le « charmant cadeau » qu’il lui avait fait…

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