Après cette longue nuit, Margaux avait peu dormi et avait fait un bref passage par sa tour pour trouver un peu le sommeil… bien que ce fut difficile, ses rêves ayant été affectés par le contenu de sa vision. Elle était donc revenue au château, espérant trouver de quoi occuper son esprit, quand elle fut abordée par Eurydice qui était très agitée. Même si elle avait du mal à croire ce que la servante lui avait raconté, la Ténébreuse ne remettait pas sa parole en doute et comptait bien essayer de comprendre ce qui était passé par la tête de Viktor pour agir ainsi car cela ne lui ressemblait absolument pas.
D’un pas rapide, elle s’était rendue dans le laboratoire du magicien mais il ne s’y trouvait pas. Cependant, les piles de livres présentes dans un coin de la pièce tendaient à lui indiquer qu’il n’était pas très loin…
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Elle passa la porte menant à la bibliothèque et, après un tour rapide de celle-ci, elle trouva enfin Viktor, le nez plongé dans un vieux livre.
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—Il faut que nous parlions Viktor, lui dit-elle, attirant l’attention du magicien sur elle.
Le Lumineux referma son livre en soupirant puis posa l’ouvrage sur la table adjacente avant de se lever pour lui faire face – Margaux nota qu’il semblait fatigué, signe qu’il n’avait pas dû fermer l’œil de la nuit.
—Que se passe-t-il ? demanda-t-il en haussant un sourcil, intrigué. Tu as trouvé quelque chose ?
—Absolument rien, répondit-elle avant de poursuivre. Cependant, j’ai eu une plainte te concernant…
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Vu l’expression de Viktor et le grognement qui lui échappa, il savait de quoi il s’agissait. Le magicien se passa une main sur le visage, se frottant les yeux au passage.
—Je suis désolé pour ça, fit-il avant de lâcher un bâillement. J’avais eu un dîner avec une personne importante juste avant et j’ai été contraint de boire du vin pour faire bonne figure. Mes excuses pour m’être mal comporté envers ta servante. Ca ne se reproduira plus.
—Je l’espère, souligna Margaux avec froideur. Et tu devrais aller dormir. Tu fais peur à voir.
—Venant de quelqu’un qui ne dort que quatre heures par nuit, c’est que je dois vraiment avoir mauvaise mine…
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C’était malheureusement un des inconvénients au statut de Ténébreux : les cauchemars. Heureusement, ceux-ci s’étaient un peu calmés depuis qu’elle était en Avalon mais son sommeil restait très agité. La présence d’Eurydice dans sa tour lui avait permis de mieux dormir durant quelques mois, peut-être parce qu’elle avait une présence amicale à ses côtés, mais son corps était habitué à ce rythme depuis toujours.
—Je te revois plus tard peut-être, lui dit le magicien avant de quitter la bibliothèque.
Considérant l’incident comme clos, Margaux était retournée à ses activités habituelles mais elle allait tout de même s’arranger pour monopoliser Eurydice durant quelques jours en l’envoyant lui acheter des ingrédients ou d’autres petites choses qui devraient l’éloigner régulièrement du château.
Tout cela fut oublié… ou presque.
Le lendemain matin, à l’ancienne cabane de pêcheur, Sirius venait de se lever après une nuit un peu difficile. Lui et ses amies Selena ainsi que Farah avaient joué la veille dans une taverne puis sur une des plus grandes places d’Avalon, cela pour le plus grand plaisir du peuple, les paysans appréciant de faire leur marché sous le son du luth du musicien, les enfants admirant les mouvements gracieux de la danseuse au point, parfois, de vouloir se joindre à elle et certaines jeunes femmes venant parfois accompagner la voix de la chanteuse avec des chœurs improvisés. La présence avec eux du seigneur Villareal et de sa fille Helena avait été très bénéfique et personne n’était venu les embêter, même quand il rentra au château et qu’Henri Scott les invita à manger avec lui en échange de quelques récits de voyage.
Sirius devait le reconnaître : même si Avalon n’était pas le royaume parfait, il aimait toujours autant revenir ici.
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Le musicien entendit la porte de la terrasse s’ouvrir derrière lui et, vu qu’il entendait plus bas les voix de Selena et de Farah, il en conclut aisément qui était la personne venu le rejoindre et ne put retenir un sourire.
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—Salut Eury ! fit-il avec une joie non feinte. Tu n’es pas au château ?
—Non, Margaux m’a donné du travail en dehors, lui répondit-elle avec une légère grimace. Déjà que les autres n’arrivent pas à retenir mon prénom, ça va pas s’arranger…
—Il y a eu un problème ?
Après un long soupir, son amie d’enfance lui raconta ce qui lui était arrivé la veille avec celui qu’elle avait reconnu comme étant Viktor le Lumineux. Il l’écouta attentivement, ne pouvant s’empêcher de trouver très curieux que cet homme ait eu ce comportement. Que lui était-il passé par la tête ? Son mentor avait, normalement, une attitude bien plus posée et respectueuse.
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—Il s’est excusé quand ta sœur est allée lui en parler, acheva Eurydice avec un certain agacement. Je ne l’ai pas revu depuis cet incident car Margaux me tient occupée mais j’avoue que… ça m’arrange. Un truc me dérange chez lui mais je n’arrive pas à dire quoi et comme tout le monde au château l’apprécie, je ne sais pas trop avec qui en parler…
—Oui, Viktor sait se faire apprécier… réalisa Sirius en se souvenant à quel point sa sœur était pendue aux lèvres de cet homme lorsqu’il lui donnait des cours de magie. Tu en as parlé à Margaux ?
—Non, je n’ai pas osé.
Elle avait probablement bien fait car le musicien se demandait très sérieusement si son ainée aurait été objective très longtemps. Même s’il n’avait rien contre le Lumineux, il devait reconnaître qu’il n’avait jamais eu énormément d’affinités avec lui mais plus avec Joshua le Téméraire dont il comprenait bien le désir de liberté.
D’ailleurs, en repensant au souverain d’Avalon, il se souvint que bien que celui-ci ait Viktor parmi ses proches conseillers, jamais il n’avait accepté de le mettre au courant de ses escapades clandestines et la seule fois où il avait été proposé d’inviter le magicien, le Téméraire avait refusé net sans donner d’explications. Serait-il possible que le roi ait un avis différent de la majorité concernant le Lumineux ? Cela vaudrait la peine de lui en toucher un mot s’il venait à le croiser dans un endroit discret, ce qui n’était pas gagné.
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—Ecoute, si tu veux, viens avec nous en ville, lui proposa Sirius. Ca te changera un peu les idées et puis tu pourras en profiter pour aller au marché.
—Je n’ai pas très envie de risquer de perdre mon emploi… souligna la jeune femme.
—J’suis certain que Margaux te couvrira. Au pire, on t’embauchera dans notre troupe !
Un raclement de gorge sonore retentit en dessous d’eux.
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—Pense à nous demander notre avis avant ! lança Selena d’en bas avec un sourire narquois.
—Même si nous sommes déjà d’accord ! ajouta Farah. Et tu devrais aller t’habiller Sirius car cela fait déjà dix minutes que nous t’attendons !
Un rire gêné échappa au musicien en entendant cela puis il s’excusa auprès de son amie afin d’aller enfiler une chemise.
Plus bas, une fois qu’elles virent que Sirius et Eurydice n’étaient plus en haut, Selena et Farah repensèrent à cette conversation qu’elles avaient entendue sans vraiment le vouloir.
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—Je ne sais pas ce que tu en penses Selena, surtout que nous sommes des étrangères ici, dit la danseuse à son amie. Seulement, je n’ai guère aimé ce qu’Eurydice a dit au sujet de ce Viktor…
—Quelqu’un qui se fait trop apprécier des autres est louche, déclara la chanteuse originaire du Nord. Du moins, c’est ce que l’on nous apprend à Midgard.
—Donc toi aussi tu t’en méfierais…
Selena acquiesça d’un signe de tête avant de faire la moue, l’air ennuyée.
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—Seulement, sans avoir connu l’individu, on ne peut se faire une idée du personnage que via ce qu’en disent les autres, souligna la chanteuse. Si sa réputation est aussi bonne que ça, Eurydice sera un peu seule contre tous…
—Je la soutiendrai si elle en a besoin, déclara la danseuse sans hésitation. Et toi ?
—Pour qui me prends-tu ? Bien entendu que je serai de son côté ! Et connaissant Sirius, il fera comme nous s’il le faut.
Plusieurs jours s’écoulèrent en Avalon sans qu’aucun incident ne se produise, principalement parce que Gaston Huntington était parti vers le sud s’enquérir de l’état des frontières. Seulement, les recherches sur ce que contenait cette vision n’avançaient pas d’un pouce et autre chose inquiétait la Ténébreuse. Elle était habituée à voir Viktor travailler beaucoup mais là, elle le trouvait régulièrement fatigué ou sur les nerfs, la principale raison étant que les recherches qu’il menait sur le « Jugement » ne donnait aucun résultat et qu’il se concentrait à présent sur comment renforcer les défenses d’Avalon avec la magie. Margaux était inquiète pour lui, craignant qu’il se surmène et ne finisse par en tomber malade.
Alors qu’elle réfléchissait à un moyen de le convaincre de se reposer, la Ténébreuse, perdue dans ses pensées, ne faisait plus attention où elle allait et elle faillit rentrer dans le seigneur Scott, ce qui la ramena à la réalité.
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—Tout va bien Dame Margaux ? demanda-t-il, inquiet.
—Ce n’est rien, répondit-elle en se pinçant brièvement l’arête du nez. Mes excuses pour cela.
—En fait, je venais vous voir.
Intriguée, la magicienne s’écarta un peu du chevalier avant de le fixer droit dans les yeux.
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—Que se passe-t-il ? questionna-t-elle.
—C’est au sujet du seigneur Vatore, précisa-t-il avant de poursuivre avec une certaine gêne. Il semblerait qu’il sera de retour plus tôt que prévu d’après la missive qu’il a envoyée. Il indique dedans qu’il aimerait vous parler dès que possible mais j’avoue ne pas trop avoir compris le reste…
—Puis-je voir cette missive ?
Le jeune seigneur la lui remit avant de prendre congé d’elle. Une fois seule Margaux la lut attentivement :
« Le Mistral souffle là où chante le rossignol et l’effraie. Venez me trouvez avant le chant de l’alouette. »
Pour un simple lecteur, ce message n’indiquait aucun lieu ou date précis mais pour la Ténébreuse, c’était plus que suffisant : il l’attendait ce soir à un endroit bien précis d’Avalon que seuls eux désignaient ainsi, faisant que si quelqu’un venait à intercepter cette missive, il serait bien embêté pour la déchiffrer. De la part du seigneur Vatore, ce genre de mystère était normal car il était souvent chargé de missions d’espionnage, faisant qu’il se devait de rester discret sur ses activités.
Quoiqu’il ait à lui dire, cela devait être important pour qu’il veuille la voir elle, peut-être avant le roi et certainement avant Viktor, les deux hommes n’ayant jamais eu d’affinités.
Avec sa magie, elle détruisit le message et, alors qu’elle comptait rentrer chez elle pour essayer de voir si elle ne pouvait pas user de ses pouvoirs pour avoir des informations sur ce mystérieux « Jugement », elle entendit un son un peu plus loin. En cherchant son origine, elle repéra une silhouette qu’elle reconnut comme étant celle de Fairy, cette muse qu’elle avait aidée à entrer au château – elle devait reconnaître qu’elle l’avait totalement oubliée, son esprit ayant été concentré sur tout autre chose.
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Que faisait-elle encore ici ? La réponse ne saurait tarder, la muse l’ayant vue et venant à sa rencontre.
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—Sérieux, c’est qui votre cuistot ici ?! s’exclama t-elle en désignant l’assiette qu’elle avait à la main. Je savais pas que c’était possible de cuisiner un truc aussi infect ! Il devrait être pendu par les pieds pour avoir maltraité ces légumes !
Un simple coup d’œil à l’objet du délit fit grimacer Margaux qui reconnut cela comme étant l’œuvre d’Eurydice. A tous les coups, quelqu’un au château lui avait demandé de cuisiner et il avait dû vite regretter sa demande…
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—Quel gâchis ! fit Fairy en jetant l’assiette derrière elle. Et j’ai pas eu tout ce que je voulais en plus…
—C’est donc pour cela que vous êtes encore ici ? questionna la Ténébreuse avant de se souvenir que la muse lui avait offert son aide si jamais elle la désirait, une offre qu’il était peut-être temps d’accepter. Auriez-vous du temps à me consacrer ? Il y aurait une chose que j’aimerai savoir…
—J’ai pas la science infuse contrairement à certaines de mes sœurs donc si ça concerne un problème mathématiques ou historique, c’est pas pour moi !
Donc le vrai nom de Fairy n’était certainement pas Uranie… Par élimination, la magicienne pouvait aussi exclure Clio ainsi que Melpomène car elle lui semblait loin d’être mélancolique mais sans connaître la fonction précise de cette demoiselle, elle hésitait encore entre Thalia, Terpsichore ou Erato.
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—Cela n’a rien à voir avec ça, lui dit Margaux avant de poursuivre. Est-ce que vous saurez ce qu’est le « Jugement » à tout hasard ?
En entendant ces mots, Fairy se figea avant de la fixer, l’air horrifiée. Elle savait clairement ce que c’était…
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—Le « Jugement » ?! s’exclama la muse, à la fois surprise et effrayée. Mais vous voulez faire quoi avec ça et pourquoi ?!
Après avoir poussé un soupir résigné, Margaux lui raconta sa vision, faisant grogner la jeune femme qui ne semblait guère enchantée par ce qu’elle venait d’entendre.
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—Oh ces vieilles peaux ! fit-elle avec un agacement plus que visible. C’est des fois à croire qu’elles prennent plaisir à faire ça ! Je ne sais pas qui elles veulent que vous enfermiez dans ce piège antique mais si elles en viennent à suggérer ça, c’est que c’est grave !
Le Jugement était un piège destiné à enfermer quelqu’un ? Donc la menace ne serait pas un pays mais… une personne ? Cela excluait une guerre imminente seulement, cela restait encore trop vague à son goût.
—Est-ce que vous pouvez m’en dire plus ? demanda Margaux qui aimait de moins en moins cela.
—Hmm… hésita Fairy avant de déglutir en croisant son regard. Le Jugement a été créé pour juger de façon équitable les créatures surnaturelles à la base. Il ne fait pas de distinction entre les races, les peuples… mais c’est ce qui rend ce piège redoutable. Les juges sont choisis parmi ceux qui ont vu leur destin brisé de façon directe ou indirecte à cause de la personne jugée et si celle-ci réussit à les passer, alors il peut sortir mais s’il échoue, une sentence est appliquée…
—Quel genre de sentence ?
—Ca dépend du crime pour lequel la personne a été jugée… Dans mon cas, j’ai été jugée et sanctionnée car les quelques descendants que j’ai pu avoir avec des mortels ont posé des problèmes et j’ai été… maudite en retour. Certes, j’ai peut-être outrepassé mes fonctions une ou deux fois mais là, je ne peux même plus laisser un homme me toucher au risque de réduire drastiquement son espérance de vie ! Du coup, j’ai un peu de mal à remplir mes fonctions depuis…
La Ténébreuse était à présent fixée sur l’identité réelle de la muse : Erato, la muse du chant nuptial mais aussi de l’érotisme. Vu la nature de sa malédiction, Margaux s’estimait heureuse pour le Téméraire qu’il n’ait aucun attrait pour les blondes car autrement…
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—Et comment activer ce piège au juste ? questionna la magicienne qui était très intéressé.
—Il existe trois méthodes pour s’y rendre mais seules deux activeront le Jugement, répondit Fairy qui semblait réfléchir. La première est d’utiliser un ancien artefact qui permet d’en invoquer les portes mais je n’ai aucune idée de ce que c’est et de l’endroit où il se trouve. La seconde méthode vous sera plus accessible je pense.
—Et elle consiste en quoi ?
—Facile : réunir au même endroit un Lumineux, un Ténébreux et un Cœur Vaillant qui invoqueront les portes du Jugement. Faut juste faire ça à l’endroit où se trouve celui qui doit y être piégé.
Effectivement, avec elle et Viktor, ils avaient déjà en leur possession deux des trois personnes nécessaires… mais où trouver un Cœur Vaillant ? Et surtout, qu’est-ce que c’était ?
—Un Cœur Vaillant ? questionna Margaux, intriguée par ce terme qu’elle entendait pour la première fois.
—C’est quelqu’un avec un alignement parfaitement équilibré, lui répondit Fairy sans détour. Le plus souvent, quand ils sont repérés par nous les muses, on fait en sorte de les guider vers les bonnes personnes pour qu’ils deviennent des héros légendaires mais ce n’est pas toujours facile vu que cet alignement rare apparaît surtout chez les humains. C’est plus facile quand il tombe sur un magicien.
Très intéressant… Seulement, cela signifiait qu’il fallait trouver la bonne personne au plus vite afin d’être prêt à activer le Jugement le moment venu et, surtout, avant qu’il ne soit trop tard.
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—D’ailleurs, je crois que vous en avez déjà un sous la main, ajouta la muse avec un sourire amusé. Plutôt une en fait. Je crois que c’est une servante vu sa tenue.
—Vous en êtes sure ? la questionna Margaux, quelque peu méfiante.
—Je suis une muse donc je peux sonder le cœur des gens si je m’approche assez près d’eux. Je ne connais pas son nom mais avec un bon entrainement, elle ferait un bon héros vu son désir d’aventure.
Une servante avec un désir d’aventure… A sa connaissance, la Ténébreuse n’en connaissait qu’une seule qui correspondrait à cette description : Eurydice. La jeune femme avait toujours été très intéressée par les récits qu’elle entendait, notamment ceux des voyages de Sirius – son frère donnait toujours beaucoup de détails sur les lieux qu’il visitait, probablement parce qu’il savait que cela intéresserait son amie d’enfance.
Quel bien étrange hasard…
Ayant eu ses réponses, Margaux avait pris congé de la muse et était allée réfléchir à ce qu’elle venait d’apprendre sur le Jugement. La bonne nouvelle était qu’à présent, elle savait qu’ils avaient presque toutes les cartes en main pour stopper cette menace et que cette dernière était donc une personne mais la mauvaise était que son identité restait encore inconnue et qu’elle ignorait encore comment cet individu allait causer la perte d’Avalon – la probabilité la plus forte était une tentative d’assassinat sur Joshua VI, celui-ci étant encore sans héritier.
Elle envisageait d’en parler avec Viktor mais épuisé comme il l’était quand elle l’avait vu plus tôt, elle se demandait s’il n’était pas préférable d’en parler plutôt avec le roi lorsque celui-ci serait disponible.
A la nuit tombée, Margaux se rendit au lieu du rendez-vous, l’endroit où, lors de ses premiers jours à Avalon, elle avait pu observer les talents de fauconnier du seigneur Vatore et ses vastes connaissances sur les oiseaux – l’homme était passionné par eux, surtout ceux évoluant la nuit comme les hiboux. Une de ses plus grandes fierté était d’avoir réussi à dresser certains de ses amis à plumes afin qu’ils puissent porter de brèves missives, lui permettant ainsi de communiquer plus discrètement avec ses différents contacts au sein des pays frontaliers.
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La brise nocturne soufflait en ces lieux, faisait bruisser les feuilles des arbres sur son passage. Puis un son d’une branche qui se casse attira son attention, lui signalant la présence de quelqu’un et, sans réelle surprise, elle vit une silhouette habillée de façon sommaire surgir de derrière un buisson : celle de Louis Vatore, le plus craint des huit seigneurs d’Avalon.
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—Mes hommages Dame Margaux, lui dit-il avec respect, son visage éclairé par la lueur de la lune. J’espère que je ne vous éloigne pas de quelque affaire urgente…
—Pour être honnête, mon affaire urgente me laisse plus de questions que de réponses, admit-elle avec un soupir dépité. Avez-vous des nouvelles de Midgard ?
—J’ai cru comprendre que les frontières étaient plus surveillées que d’ordinaire ces temps-ci… Mais si une guerre est à prévoir, elle ne sera pas contre Midgard avant quelques temps. Il semblerait qu’ils aient des problèmes avec leurs Jotuns et leur armée a subis des pertes récentes. Leur roi essaie de calmer la situation mais cela risque de prendre du temps.
Cela confirmait donc que ce n’était pas une guerre qui menaçait Avalon vu que Midgard était leur potentiel ennemi le plus proche et le plus puissant. Seulement, si celui-ci était victime de conflits internes, cela l’excluait définitivement de la liste des suspects.
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—De plus, j’ai trouvé un… curieux raccourci pour revenir en Avalon, poursuivit le seigneur Vatore. Le hasard a voulu que je trouve une route escarpée menant à une vallée où la nuit semble plus longue qu’ailleurs. Personne ne semblait y vivre donc je ne m’y suis point attardé.
—Il pourrait être bon de connaître ce passage, admit Margaux avant de noter que son interlocuteur semblait préoccupé. Y a-t-il autre chose ?
—A vrai dire… Sans vouloir vous offenser, j’aimerai savoir ce qui trouble tant votre esprit si cela n’est pas indiscret de ma part…
En entendant cela, la Ténébreuse fut d’abord surprise, se demandant comment il avait réussi à savoir cela… avant de se souvenir qu’il était avant tout un espion et que son travail était justement de tout savoir. Seulement, elle ne pouvait s’empêcher d’être épatée à chaque fois par le talent et la clairvoyance de cet homme, preuve qu’il méritait clairement sa place parmi les seigneurs d’Avalon.
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—Je peux savoir d’où vous tenez cela ? dit-elle en plantant ses yeux verts dans le regard bleu acier face à elle. A qui avez-vous parlé avant moi ?
—Uniquement le roi, répondit-il avec calme. Il a noté lors de votre dernière entrevue que vous étiez quelque peu… soucieuse et je me vois forcé de lui donner raison. Il s’inquiète pour vous.
Evidemment… Seuls Sirius ou le Téméraire auraient pu évoquer cela devant Louis Vatore, ce dernier étant si redouté et craint à travers Avalon que peu de personnes osaient lui parler franchement, surtout ceux de la noblesse qui étaient systématiquement nerveux en sa présence – de ce qu’elle avait pu entendre via Helena Villareal, ils étaient effrayés à l’idée que l’espion mette à nu tous leurs vilains secrets, celui-ci ayant déjà, avec un malin plaisir, révélé lors d’une réception quelques vérités qui leur avaient laissées des sueurs froides.
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—Disons que… commença Margaux avant de pousser un soupir. Savez-vous pour la vision ?
—C’est un des sujets que j’ai abordé avec le roi, déclara le seigneur d’Avalon avant de la regarder plus intensément. Mais ce n’est pas la seule source de vos tracas.
—Non… Je m’inquiète pour Viktor. Il est… étrange en ce moment. Le lendemain de ma vision, il a eu une altercation avec la jeune femme qui était ma servante. Il s’est excusé et plus aucun autre incident de ce genre ne m’a été rapporté mais… et puis c’est ce « Jugement » qui me préoccupe maintenant que je sais ce que c’est. Vu son fonctionnement, cela implique que ce qui menace Avalon est une personne mais je ne sais rien d’autre et impossible de lire l’avenir pour en savoir plus, comme si on m’en interdisait l’accès ! J’avoue que je me sens… impuissante.
—Vous n’êtes pas impuissante. Vous vous sentez dépassée par les évènements, ce qui n’est pas anormal. Avez-vous seulement envisagé de demander de l’aide à une personne de confiance pour réussir à comprendre et gérer tout cela ?
Sauf si une opportunité se présentait comme avec Fairy, elle avait tendance à vouloir se débrouiller seule. Depuis qu’elle était sortie de cette cage, elle avait toujours eu du mal à accepter l’aide des autres, surtout celle de son frère à qui elle devait sa libération.
—Vous m’aviez déjà fait ce reproche lors de notre première rencontre, se souvint-elle. Je n’ai donc pas changé depuis…
—Vous avez certes plus d’assurance mais le poids de ces années de souffrance pèse encore lourdement sur vos épaules et ce, plus que vous ne l’imaginez, lui dit gravement l’espion. C’est pour cela que le Téméraire me demande régulièrement de vos nouvelles et mon… opinion sur votre relation avec le Lumineux.
—Votre opinion ?
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Joshua VI l’espionnait donc via le seigneur Vatore ? Ce n’était pas si étonnant en soit mais était-il plus jaloux qu’elle ne l’aurait imaginé pour qu’il s’intéresse aux rapports qu’elle entretenait avec Viktor ? Qu’est-ce que cela signifiait ?
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—Oui et… je pense que vous devriez aller en parler avec son altesse, lui suggéra Louis Vatore sur un ton grave. Il y a certaines choses qu’il vaut mieux que vous entendiez de sa bouche et non de la mienne, surtout concernant le Lumineux.
—Sur Viktor ?! fit-elle, surprise. Mais que me cachez-vous donc tous les deux ?!
—Quelque chose que je vous pense prête à entendre à présent.
Mais de quoi parlait-il au juste ? Que pouvait-elle ignorer au sujet de Viktor qui serait aussi grave ? Elle l’avait régulièrement côtoyé pendant cinq ans donc logiquement, elle devrait le savoir s’il était un danger… n’est-ce pas ? Seulement, une petite partie d’elle-même avait un doute, cela depuis le jour où elle avait été voir le magicien concernant ce qu’il s’était passé avec Eurydice, et ce doute n’avait pas disparu, bien au contraire…
Sans un bruit, le seigneur Vatore s’était éclipsé mais Margaux ne lui en tint pas rigueur car leur conversation était terminée et elle avait quelqu’un d’autre à aller voir en urgence. D’un pas rapide, elle retourna au château sous le ciel nocturne, connaissant par cœur le chemin qui y menait. Pour éviter de croiser quelqu’un, elle emprunta un passage peu fréquenté, surtout à cette heure tardive, et, sans avoir vu âme qui vive dans les couloirs du bâtiment de pierre, rejoignit la chambre du roi, un lieu où, normalement, elle ne pénétrait jamais.
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Personne n’était présent à ce moment-là, faisant que son regard vert s’attarda sur chaque élément de la pièce qui, dans l’ensemble, restait sobrement décorée. Elle ne fut guère surprise de voir un mannequin d’entrainement dans la pièce ainsi que des épées, connaissant bien le souverain et son goût parfois trop prononcé pour l’aventure – elle réalisa d’ailleurs qu’Eurydice et lui s’entendraient surement à merveille, Joshua VI ayant de nombreux récits à raconter et qu’il était toujours heureux de partager quand son auditoire le lui demandait.
En se tournant vers le mur du côté de la porte, Margaux remarqua que deux tableaux étaient à part et que ceux-ci semblaient plus récents que les autres. Lorsqu’elle se mit face aux deux peintures, un hoquet de surprise lui échappa en réalisant que l’un d’eux était un portrait d’elle dont elle ignorait l’existence – à sa connaissance, l’unique peinture d’elle était le tableau où elle avait posé avec Viktor. Qui avait bien pu peindre son portrait à son insu ? Et qui était représenté sur le second ?
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Le grincement d’une porte résonna dans la pièce et, en se tournant vers son origine, elle vit entrer Joshua VI en tenue de nuit, s’apprêtant manifestement à aller se coucher vu le long bâillement qui s’échappa de ses lèvres… et qui s’interrompit brutalement quand il remarqua sa présence, les yeux ronds d’étonnement. Un silence de quelques secondes se fit jusqu’à ce que le roi, remarquant que la magicienne détaillait son accoutrement, vint rapidement la rejoindre, les joues rougies par l’embarras.
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—Mais qu’est-ce que tu fais ici Margaux ?! s’exclama-t-il en essayant manifestement de parler le moins fort possible, surement pour n’alerter personne au sein du château. Tu pourrais attendre que je sois habillé pour venir me voir !
—Dois-je vous rappeler que, pour vous avoir déjà soigné une ou deux fois, j’ai déjà eu l’occasion de vous voir nu auparavant ? souligna-t-elle, n’arrangeant pas l’embarras du souverain qui, elle le réalisa, avait dû refaire tailler sa barbe il y a peu. Qui plus est, je ne souhaitais pas attendre pour vous parler.
A ces mots, il haussa un sourcil, visiblement intrigué, puis lui fit signe de s’asseoir sur son lit. Bien que la magicienne ait encore du mal à cacher son amusement, elle s’exécuta, imitée par le roi qui se racla la gorge pour reprendre contenance.
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—Bien, si tu as fini de te moquer de moi, peut-être pourrais-tu m’expliquer la raison de ta venue ? fit-il avec un sourire plein de chaleur.
—Pardon, s’excusa-t-elle alors que, involontairement, elle repensait à la raison pour laquelle le Téméraire tenait tant à sa barbe – il avait une cicatrice au niveau de la mâchoire qu’il avait reçue suite à un pari stupide qu’il avait fait dans sa jeunesse, faisant que c’était la seule blessure qu’il avait reçue et qu’il n’assumait point.
Margaux se reconcentra sur la raison réelle de sa venue, faisant que rapidement, elle réussit à reprendre son sérieux pour se focaliser sur ce qui l’amenait ici en premier lieu.
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—Je viens de parler avec le seigneur Vatore, déclara-t-elle avec gravité. J’ai cru comprendre qu’il vous avait confirmé que Midgard n’était pas un danger immédiat.
—Oui, c’est bien cela, confirma Joshua VI dont le sourire commença à s’effacer. C’est tout ce qu’il t’a dit ?
—Non. Il m’a aussi dit… de vous demander moi-même pourquoi vous voulez qu’il me surveille et la raison de votre intérêt pour ma relation avec Viktor.
—Ah…
Cette fois-ci, toute trace de sourire avait disparue du visage du Téméraire, laissant place à une mine grave qui rappela à Margaux que cet homme avait à présent plus de quarante ans, ce qu’elle tendait à oublier face à l’énergie qu’il était parfois capable de déployer – Viktor était plus jeune que le roi d’une dizaine d’années environ, un écart d’âge qui se ressentait peu habituellement. Son regard était plongé dans le vague, probablement perdu dans des pensées qu’elle ne parvenait pas à déchiffrer sur cette expression fermée.
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Après un long silence, Joshua VI soupira avec force puis se leva.
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—Je vais me rhabiller, dit-il en lui tournant le dos. Quel chemin as-tu emprunté pour venir ici ?
—Celui que vous utilisez pour sortir discrètement je pense, déclara-t-elle, de plus en plus intriguée. Que se passe-t-il ?
—Je ne tiens pas à aborder ce sujet entre ces murs.
Plus aucun autre mot ne fut prononcé au sein de cette pièce après ceux-là. Sur un geste gêné du souverain, Margaux s’était retournée pour le laisser se rhabiller et, cinq minutes plus tard, ils étaient en route vers la sortie du bâtiment. Seulement, une fois dehors, d’un signe de la main, le Téméraire lui indiqua de la suivre en silence et, pendant de longues minutes, tous deux marchèrent vers les falaises, empruntant des sentiers que jamais auparavant elle n’avait foulés – à un moment, le bas de sa robe se coinça dans des ronces et Joshua VI se hâta de venir la libérer.
Ce ne fut que lorsque l’aube commença à chasser la nuit qu’ils s’arrêtèrent enfin.
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—Je pense que nous devrions être tranquilles ici, déclara le roi après avoir observé les alentours. Même Louis ne m’a jamais accompagné jusque là.
—Etait-il vraiment nécessaire d’aller aussi loin ? demanda-t-elle, la respiration encore un peu haletante après cette longue marche nocturne. Je ne possède pas votre endurance…
—Vu ce que je risque de te dire, je ne serais guère étonné que tu veuilles me jeter du haut des falaises et, sincèrement, ce serait un châtiment que je mérite amplement.
Bien qu’il ait un léger sourire aux lèvres, Margaux avait du mal à dire s’il plaisantait ou s’il était sérieux. Face à l’obscurité qui éclairait de plus en plus son visage, elle ne put s’empêcher de constater que cet homme avait un certain charme ainsi qu’un charisme digne du dirigeant qu’il était. Comment se faisait-il qu’il n’ait toujours pas trouvé d’épouse alors que toutes les femmes du royaume devaient certainement être sensibles à son aura ? Que pouvait-il bien chercher de si particulier chez sa future compagne et qu’il ne parvenait vraisemblablement pas à trouver ailleurs que chez elle ?
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—J’avoue ne pas réussir à vous suivre, admit-elle. Quel est le problème avec Viktor ? Votre attitude a changé dès que j’ai prononcé son nom.
—Dis-moi d’abord pourquoi Louis et toi avez parlé de lui, demanda-t-il, visiblement très intéressé par le sujet. Je doute fort qu’il t’ait envoyée vers moi si cela avait été banal.
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—Je comprends mieux pourquoi tu étais troublée ces derniers temps, dit-il une fois qu’elle eut achevé son récit. Cependant, même si je peux concevoir que tu voulais éviter d’attirer l’attention sur Eurydice ou sur Viktor, j’aurais aimé que tu viennes tout de suite me parler de cet incident et je me serais personnellement assuré qu’il ne se reproduise jamais.
—Je vous prie de m’excuser pour cela, dit-elle en baissant le regard. J-
—Tout ce que je veux est que tu acceptes enfin de me tutoyer. Ici, je ne suis pas ton roi mais ton ami et en tant que tel, je m’estime en droit de me soucier de toi, même si je sais très bien que cela est difficile à concevoir pour toi après ce que tu as vécu.
Sur le coup, elle ne sut pas quoi répondre, perturbée par ces paroles. Puis, au fur et à mesure que les rayons du soleil venaient éclairer le visage de cet homme, elle finit par se reprendre.
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—C’est… difficile mais… je vais essayer, promit Margaux avant de reprendre. J’imagine que ça… t’agace que je tutoie Viktor…
—Oui, répondit sèchement Joshua avant de lâcher un soupir de dépit. L’autre point qui m’énerve est que je sais que tu as des sentiments pour lui, même si je suis certain que, te connaissant, tu ne lui en a jamais parlé. Je ne pense pas me tromper en supposant que tu es intimement persuadée que tu ne mérites pas d’être aimée.
Son cœur se serra en entendant cela, lui rappelant brièvement ses longues années dans cette cellule qu’elle ne pensait pas quitter si tôt. Viktor l’en avait libérée, l’avait prise sous son aile, lui avait appris à maîtriser ses pouvoirs… au point qu’elle s’était beaucoup attachée à lui, cela bien qu’elle garde une certaine distance qu’elle n’avait jamais osé combler.
Puis elle repensa à tout ce temps passé à Avalon et au fait que si le Lumineux lui avait transmis son savoir, le Téméraire lui avait offert tout le reste sans poser la moindre condition : un foyer, du respect, son amitié, sa confiance, son amour… tout cela sans rien lui demander en retour. Jamais.
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—Ce n’est pas de ta faute si tu fonctionnes ainsi, lui dit Joshua en haussant les épaules. Après ce que tu as vécu, il est normal que tu ais ressenti le besoin d’ériger des barrières autour de toi pour te protéger. Seulement, cela est à la fois ta force et ta faiblesse, une chose que je suis certain que ce cher Viktor a vite comprise… et utilisée à son avantage.
L’entente de ces derniers mots fit se figer Margaux face à ce qu’ils pouvaient potentiellement sous-entendre. Serait-il en train d’insinuer que le Lumineux se serait… servi d’elle d’une manière ou d’une autre ? Non… Ce n’était pas… Il se trompait certainement…
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—Si je tenais à ce que Louis me donne son opinion sur la relation que vous aviez tous les deux, c’était parce que j’avais le sentiment que tu te faisais dominer par lui sans en être consciente, poursuivit Joshua en grinçant des dents. Ce que tu viens de me rapporter me confirme que j’avais malheureusement raison…
—Je ne comprends pas, finit-elle par dire, sa tête devenant douloureuse à force de réfléchir à tout cela. Pourquoi ne m’avoir rien dit ?
—M’aurais-tu cru avant aujourd’hui ?
—… Non… Du moins… Je ne sais pas…
—Rien ne pouvait te permettre de te forger une opinion autre sur Viktor, surtout que contrairement à moi, tu ne le connais que depuis peu de temps donc tu n’as pas eu l’occasion de voir comment il était plus jeune, surtout du temps où il y avait sa sœur, Teresa. De plus, il y a une chose qui est fausse dans l’excuse qu’il t’a donnée : il n’a pas besoin de se forcer pour boire du vin car en réalité, s’il en boit peu, c’est uniquement parce qu’il sait que je déteste cette boisson.
Maintenant qu’elle y repensait, lors des quelques réceptions auxquelles elle avait assistées au château d’Avalon, Margaux n’avait jamais vu Joshua boire autre chose que de l’eau… et même en dehors de grandes occasions, il ne touchait pas à cette boisson – Sirius avait vaguement évoqué le fait que le Téméraire préférait de loin le cidre ou du lait de chèvre aux alcools forts parfois servis dans certaines tavernes. Seulement, cela signifierait que le Lumineux lui mentait depuis son arrivée en Avalon ? Mais pourquoi faire ça ?
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—S’il a menti sur ce point, que peut-il gagner en faisant cela ? demanda-t-elle, à la fois perplexe et déçue face à ce qu’elle apprenait. Et sur quoi d’autre m’aurait-il trompée ?
—Vu tout ce que tu m’as dit, j’ai ma petite idée sur le pourquoi il ne t’a pas donné la vraie raison de son altercation avec Eurydice, répondit le roi d’Avalon avec un léger amusement. Je n’ai pas de preuves de ce que j’avance mais il a certainement commencé à suspecter cela quand je t’ai demandé à toi et non à lui de me soigner après que Richard Desade m’ait blessé lors d’un entrainement.
—Tu avais quelque chose à lui cacher ?
—C’est plutôt l’absence de quelque chose que je voulais lui dissimuler le plus longtemps possible : un trésor d’Avalon que je portais sur moi en permanence jusqu’à ce qu’une bonne amie à moi me montre un lieu où il serait à l’abri de la potentielle convoitise de mon cousin. Pour être exact, je me méfie de Viktor depuis qu’il est enfant et que j’ai vu à quel point il était doué pour manipuler son entourage. J’ai un temps pensé à œuvrer pour lui laisser le trône mais on m’a fait comprendre que ce serait une grave erreur. Maintenant, je profite qu’il soit à Avalon pour le tenir à l’œil autant que possible.
Margaux était… abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre. Elle était perdue, se demandant qui elle devait croire et ce qu’elle devait faire, surtout si, comme Joshua semblait le suggérer, Viktor pourrait être celui menaçant Avalon. Sur un ton rassurant, le Téméraire lui avait conseillé de prendre le temps de réfléchir afin qu’elle se fasse sa propre opinion et lui, de son côté, allait demander à ce qu’Eurydice l’accompagne durant l’après-midi afin de l’éloigner un peu du château et parler avec elle de cette altercation afin d’avoir son ressenti sur le Lumineux.
Suivant la suggestion du roi, la Ténébreuse retourna à sa tour, marquant un temps d’arrêt devant le petit bassin se situant près de l’entrée du bâtiment.
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Comment pouvait-elle démêler le vrai du faux ? Surtout, comment vérifier si cette vision ciblait bien Viktor s’il lui était impossible d’aller plus loin ? Elle n’avait rien appris de pertinent… excepté avec Fairy qui était une muse ! Si elle savait ce qu’était le Jugement et son fonctionnement, c’était qu’il devait probablement être aussi âgé qu’elle ou avoir été créé par des entités plus ou moins affiliées aux anges.
Rapidement, la magicienne alla fouiller dans sa bibliothèque, cherchant tous les livres qu’elle possédait et qui pouvaient traiter des temps plus anciens, ceux où les muses étaient très présentent comme l’époque des grands héros antiques. Après avoir parcouru toutes les étagères, elle vit enfin un vieil ouvrage correspondant à ce qu’elle recherchait et qu’elle reconnut comme un des cadeaux rapportés par son frère lors de ses voyages – elle n’avait pas eu le temps de le lire en entier mais avait lu le chapitre consacré au héros Héraclès.
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Elle prit le livre avec elle et s’installa pour le feuilleter, parcourant les pages en diagonale pour espérer trouver ce qu’elle cherchait. Elle s’attarda brièvement sur le chapitre consacré aux muses avant de poursuivre, notant que certains passages étaient écrits dans une langue qui n’était quasiment plus utilisée de nos jours excepté dans le domaine de la magie. Puis enfin, dans un chapitre consacré aux pièges antiques, elle trouva un paragraphe consacré au Jugement.
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« Contrairement à l’Epreuve qui a été créée pour tester les héros, le Jugement existe pour expier les crimes que l’âme qui y est envoyé a pu commettre durant son existence. Seule une invocation via sa clé où la réunion des trois alignements rares peut permettre son activation et une fois à l’intérieur, la personne jugée ne peut en sortir que s’il est estimé qu’elle a expié ses fautes ou si la sentence qui lui a été infligée lui permet de quitter le Jugement. »
Cela correspondait bel et bien aux dires de Fairy… Par curiosité, Margaux jeta un œil au paragraphe précédent, celui consacré à l’Epreuve.
« L’Epreuve ou Couloir de l’Epreuve est un lieu accessible sous certaines conditions et destiné à tester les héros, plus particulièrement les Cœur Vaillant. Une fois entré, ceux qui y s’y trouvent ne peuvent en sortir que si l’épreuve qui les attends à été réussie. En cas d’échec de la part du candidat, celui-ci restera prisonnier jusqu’à réussir ou mourir. De plus, si le candidat venait à être corrompu, il serait immédiatement éliminé, l’Epreuve ne tolérant aucune corruption en son sein. »
Aucune corruption ? Qu’est-ce que cela signifiait au juste ? Elle avait déjà entendu ce terme une ou deux fois mais logiquement, la corruption ne touchait que les ténèbres, non ? A tout hasard, elle chercha ce qui était dit dans le livre à ce sujet, s’attendant à tomber sur un chapitre entier confirmant cela, mais au lieu de ça, les pages dédiées à ce sujet avaient été rayées et seule une phrase restait lisible.
« Seul un Cœur Vaillant restera à jamais insensible à la corruption. »
Encore cet alignement… et Margaux se souvint : Fairy lui avait dit qu’Eurydice en était un ! De plus, Joshua avait mentionné qu’il avait caché quelque chose dans un lieu secret. Serait-ce…
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—Margaux ?
Surprise, la magicienne sursauta en entendant la voix de Viktor, lâchant son livre qui tomba au sol. Profitant que le Lumineux soit étonné de sa réaction, elle le rejoignit d’un pas rapide, prenant l’air le plus sévère possible.
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—Tu aurais pu frapper ! s’exclama-t-elle.
—Je l’ai fait mais tu ne m’as pas entendue je crois… dit-il en clignant plusieurs fois des yeux. Tu vas bien ? Tu m’as l’air un peu bizarre…
—Et toi ? Qu’est-ce que tu fais ici ?!
Elle était nerveuse, elle le savait et elle espérait qu’il ne le voyait pas. Alors qu’il lui souriait, l’air de rien, son esprit continuait d’analyser ce qu’elle venait de lire…
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—Mes recherches sur ce Jugement n’avancent toujours pas donc je me disais que j’allais venir voir où tu en étais avec ta vision, répondit-il avec nonchalance. Je tombe mal peut-être ?
—Longue nuit, c’est tout, dit-elle simplement. Tu es sûr d’avoir fait le tour de tous les ouvrages en Avalon ?
—Certain. Je suis même remonté à l’époque d’anciennes civilisations sans rien trouver à ce sujet !
C’était un mensonge… S’il était allé aussi loin dans le passé qu’il le disait, il aurait dû trouver quelque chose or, il prétendait le contraire, ce qui n’était pas une bonne chose car cela pourrait signifier que, depuis un moment déjà, il savait ce qu’était le Jugement… et que c’était lui qui était visé par la vision. Puis en continuant son raisonnement, Margaux ne voyait qu’une raison pour laquelle Viktor aurait voulu approcher Eurydice et cela signifierait qu’il la savait être un Cœur Vaillant : il voulait l’envoyer dans l’Epreuve.
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Elle en était certaine à présent : cet homme l’avait trompée, l’enfermant à son insu dans une cage dont elle ne réalisa la présence qu’à cet instant. Elle était restée une prisonnière avec, cette fois-ci, un geôlier bien plus retors que ceux qu’elle avait auparavant… et cela la terrifiait.
Soudain, elle vit toute chaleur disparaître du visage de Viktor, son expression devenant plus froide voire… soupçonneuse.
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—Dis-moi, tu ne me cacherais pas quelque chose ? demanda-t-il sur un ton glacial qui donna des frissons à Margaux. Tu es bien nerveuse…
—Ce sont juste mes cauchemars qui ont repris, tenta-t-elle sans conviction.
—Non, c’est autre chose… Tu as rejoins son camp, n’est-ce pas ?
—Mais de quoi tu parles au juste ?!
Elle savait ce qu’il sous-entendait… et qu’il avait compris à son attitude qu’elle ne lui faisait plus confiance. Inconsciemment, elle avait reculé, ce qui causa sa perte : une puissante magie comme elle n’en avait jamais ressentie auparavant entoura Viktor et d’un geste, il lança un sort droit sur elle, la frappant de plein fouet à l’abdomen.
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Elle se souvenait avoir heurté quelque chose… le mur ou plutôt la bibliothèque car elle avait entendu des choses tomber peu de temps après elle. Puis la porte avait grincé et c’était le trou noir…
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Au château d’Avalon, Eurydice se demandait pourquoi le roi l’avait convoquée, qui plus est dans ses appartements. A sa connaissance, elle ne l’avait jamais rencontré et bien que Sirius lui en ait dit le plus grand bien, elle était un peu nerveuse à l’idée de le rencontrer. Chance qu’Autumn lui ait indiqué où était la chambre du Téméraire car elle n’était jamais allée plus haut que le rez-de-chaussée et arrivait déjà à s’y perdre une fois sur trois.
Alors qu’elle approchait de sa destination, elle s’arrêta brusquement en apercevant une silhouette qui ne lui plaisait pas du tout : celle du Lumineux.
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—Tiens… fit-il sur un ton qui aiguisa sa méfiance. Cela fait un moment.
Elle ne répondit pas, ayant comme une intuition lui disant qu’il y avait un danger imminent. Cet homme ne lui inspirait pas confiance du tout, très certainement à cause de leur dernière rencontre. Et puis pourquoi elle avait soudain l’impression que l’air était moins respirable qu’au début ?
—On a perdu sa langue ? dit-il en haussant un sourcil. C’est ennuyeux…
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Soudain, elle le vit : cette espèce de fumée bizarre qui émanait de Viktor et qui ne semblait nullement le déranger. Cette fois-ci tout son être lui hurlait que c’était dangereux de rester ici, ce qu’elle voulait bien croire. Il fallait qu’elle retrouve Margaux de toute urgence !
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D’instinct, elle voulut fuir pour rejoindre les escaliers mais un grand bruit retentit derrière elle et la servante eut juste le temps de sauter sur le côté pour éviter les meubles qui se déplaçaient à vive allure pour lui barrer la route.
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—Nous n’avons pas terminé ma jolie…
A la fois enragée et terrifiée, la servante se tourna vers le magicien dont l’aura était de plus en plus menaçante. Mais que lui voulait-il au juste ?!
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—Est-ce que tu sais à quel point il est difficile de prévoir où et quand un Cœur Vaillant va apparaître ? lança Viktor avec un sourire mauvais. A côté de cela, prévoir l’apparition d’un Ténébreux était bien plus aisé.
—Mais de quoi vous me parlez ?! s’exclama-t-elle, complètement perdue face à ce qu’il se passait.
—Du fait qu’à aucun moment je n’ai pensé que le Cœur Vaillant que je cherchais tant était juste sous mon nez depuis tout ce temps… Quand je pense que cette pauvre Margaux n’a jamais décelé cela chez toi…
Dans un rire qui lui glaça le sang, Eurydice vit le magicien claquer des doigts et, soudain, elle eut l’horrible impression que ses deux pieds étaient comme collés au sol, faisant que ses maigres chances de fuite venaient de tomber à zéro. Impuissante, elle le vit lancer un sort droit sur elle… mais celui-ci fut dévié par la lame d’une épée et atterrit droit sur un chandelier qui disparu dans un nuage de fumée.
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—Enlève tes salles pattes d’elle Viktor ! s’exclama un homme qui s’était postée devant elle et qui, vu son accoutrement, était certainement le roi Joshua VI.
—Votre… altesse ? fit-elle, encore secouée et étonnée par ce qu’il venait de se passer.
Face à cette intervention imprévue, le Lumineux avait grimacé avant de laisser un rictus mauvais apparaître sur son visage.
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—Joshua… mon « cher » cousin, dit le magicien sur un ton mauvais. Toujours à vouloir sauver les demoiselles en détresse à ce que je vois. Dommage que tu n’ais pas réussi à sauver cette pauvre Teresa quelques années en arrière…
—N’essaie pas de me faire croire que c’est ma faute ! répliqua le souverain d’un ton sec. Elle n’a jamais pu être heureuse car toi et tes parents vous en êtes assuré ! Même si tu n’es pas celui qui l’a empoisonné, tu restes un des acteurs de la mort de ta sœur ainée !
—Demi-sœur je te prie et j’avais quand même de l’affection pour cette incapable qui n’était pas fichue de jeter un sort basique ou d’avoir le courage de vivre. Margaux aura été un excellent substitut…
Le grognement de rage qui échappa au roi d’Avalon en disait long sur ce qu’il pensait de cela et Eurydice ne pouvait qu’être du même avis, cela bien qu’elle ne saisissait pas tout.
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—N’espère pas que je te laisse détruire quelqu’un encore une fois ! lança Joshua VI en brandissant son épée.
—Tu vas encore me prouver que Teresa a bien choisi ton surnom ? ironisa Viktor avec un sourire mauvais. Je sais que tu n’as plus Excalibur et où tu as osé la cacher. Plus rien ne m’oblige à te garder en vie à présent que j’ai repéré cette fille. Bye Josh !
Alors que le Téméraire allait attaquer le magicien, ce dernier fit un brusque geste de la main, figeant le roi sur place. Puis d’un coup, le Lumineux tendit son bras sur le côté, projetant le souverain contre le mur avec violence sans que la servante ne puisse rien faire pour l’en empêcher. Impuissante, elle vit cet homme qui avait voulu la sauver s’écrouler brutalement au sol, inanimé, son épée chutant dans un bruit métallique.
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Elle eut à peine le temps de réaliser ce qu’il venait de se passer que Viktor l’attrapa par le bras et, alors qu’elle se débattait comme une furie pour se libérer, il usa de sa magie pour la transporter ailleurs, faisant qu’elle vit les murs devenirs plus sombres et froids jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans ce qui ressemblait fort à un cachot.
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—Bien, nous allons pouvoir discuter en paix à présent, fit le Lumineux qui, elle le réalisa soudain, était de l’autre côté des barreaux de la cage où elle était à présent prisonnière.
—Je ne veux pas parler avec vous ! s’exclama-t-elle avec rage.
—Si tu veux sortir un jour, il le faudra bien. Surtout que si tu acceptes mon offre, tu pourrais être reine d’Avalon…
Elle sentait que ses jambes tremblaient malgré elle, faisant que, de peur de s’écrouler au sol devant cet homme, elle préféra s’asseoir sur le banc présent derrière elle, même si elle savait très bien que ce simple geste montrait à cet individu qu’elle était plus faible que lui.
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—Ecoutez-moi bien ! Jamais je n’accepterai quoique ce soit venant de vous ! Je ne sais pas ce que vous me voulez exactement et je ne veux pas le savoir ! Je préfère encore croupir ici et vous ne me ferez pas changer d’avis !
Après qu’elle eut prononcé ces mots, le Lumineux se mit à rire, faisant qu’un frisson parcourut l’échine de la jeune femme. Un sourire mauvais apparut sur les lèvres de cet homme quand il lui adressa de nouveau la parole.
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—Tu sais, pendant que Margaux faisait en sorte de te garder loin de moi, j’ai appris pas mal de choses à ton sujet en m’adressant aux bonnes personnes, commença-t-il avec un rictus amusé. Ce qui m’a le plus étonné, c’est que j’aurais cru que tu serais amoureuse de Sirius vu que vous avez grandi ensemble donc tu n’imagines pas ma surprise quand j’ai appris que suite à la fête du solstice, plusieurs personnes te trouvaient plus rêveuse et joyeuse qu’à ton habitude. Etrange que tu sois toujours célibataire alors que tout porte à croire que tu as rencontré quelqu’un.
En entendant cela, Eurydice déglutit, ne pouvant que constater que Viktor s’était vraiment très bien renseigné… et qu’il avait visiblement deviné pourquoi elle vivait seule.
Lors de la fête du solstice, elle aurait dû être à l’auberge avec les autres mais elle avait pris du retard car elle n’avait pas réussi à convaincre Margaux de l’y accompagner, faisant qu’au moment où elle avait pris le chemin pour s’y rendre, il était plus que minuit passé. A mi-chemin, elle avait croisé un homme qui revenait des festivités et il l’avait informé que, comme elle le craignait, elle avait raté une bonne partie d’entre elles. Ils avaient beaucoup parlé tous les deux, cela jusqu’au lever du soleil. C’était quelqu’un d’absolument captivant et, bien qu’elle n’avait rien d’intéressant à dire, il l’avait quand même écouté avec un plaisir non dissimulé avant de la raccompagner puis de quitter Avalon, lui promettant qu’il reviendrait la voir un jour.
—C’est assez ironique en soi que tu portes un tel prénom, déclara le magicien avant de claquer des doigts, faisant apparaître quelque chose qui donna des frissons à la jeune femme. Tellement ironique qu’il serait dommage de ne pas te maudire en conséquence en te condamnant à la mort si jamais tu venais à déclarer ton amour à quelqu’un.
—Quoi ?!
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Non… Il ne venait pas de lui faire ça ?! Seulement, vu le sentiment de malaise qui l’avait saisie, elle en avait bien l’impression.
Après lui avoir adressé un dernier sourire mauvais, Viktor lui tourna le dos et alla jusqu’à la porte du cachot, l’ouvrant dans un grincement sonore.
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—Je reviendrai d’ici quelques heures, le temps que tu te décides à enfin écouter ce que je te propose ou non, fit-il avant de claquer la porte derrière lui.
Quelques secondes après le départ du magicien, Eurydice, retrouvant du courage, tenta d’ouvrir sa cellule en tirant sur la grille mais celle-ci était soigneusement fermée à clé, faisant qu’il lui était impossible de se libérer seule. Face à ce constat, elle n’avait plus qu’à attendre, condamnée à remuer ses pensées… et réaliser que le roi Joshua VI était très certainement mort en voulant la protéger.
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Pourquoi cet homme qu’elle ne connaissait pas et qui était le roi d’Avalon s’était sacrifié pour elle, une simple servante ? Il était aimé de son peuple et sa mort allait certainement avoir des répercussions… dont la plus grave était la fin de la lignée royale, le Téméraire n’ayant eu aucun héritier. Le royaume n’avait donc plus de souverain… signifiant que celui-ci était à la merci de quiconque voulait en prendre possession.
Pourquoi avait-il fait ça alors qu’il savait très certainement qu’il condamnait tout Avalon s’il mourrait ? Pourquoi…
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—Pourquoi vous ne m’avez pas laissée seule ! s’exclama-t-elle avant de se recroqueviller sur elle-même, ses larmes ruisselant sur son visage. Je ne suis rien, je n’ai pas de famille et personne ne me regrettera alors pourquoi ?!
Elle n’était qu’une simple paysanne, une pauvre servante orpheline dont la mort n’aurait aucun impact sur le monde contrairement à celle d’un roi. C’était elle qui aurait dû mourir dans ce couloir et non lui.
—Personne ne te regrettera ? Mais qu’est-ce que c’est que ces sornettes ?!
—Tu n’es pas rien et ta disparition ferait mal au cœur de beaucoup.
—La famille, ça ne se limite pas aux liens du sang. Depuis le temps que tu me supportes, tu devrais le savoir Eury.
Ces voix… D’un bond, Eurydice se releva et vit les trois artistes face à elle : Selena la regardait en plissant les yeux, signe qu’elle était agacée, Farah était posée comme à son habitude, faisant que sa présence était à la fois chaleureuse et rassurante tandis que Sirius lui souriait avec une pointe de charme et de malice, comme quand ils étaient enfants.
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—Comment vous… commença-t-elle, étonnée de les voir ici.
—Nous étions méfiants vis-à-vis du Lumineux et à juste titre, fit la chanteuse en désignant les lieux.
—Nous avons écouté un peu les commérages et beaucoup disaient qu’il posait pas mal de questions ces derniers jours, poursuivit calmement la danseuse avant de croiser les bras. C’est en nous renseignant que nous avons été certains qu’il tramait quelque chose…
—Quelques gardes me devaient un service et ont accepté de me donner quelques infos, ajouta le musicien avant de commencer à faire apparaître un sort d’air entre ses doigts. Apparemment, le seigneur Richard Desade sert d’intermédiaire à Victor pour acheminer des trucs en Avalon mais personne n’a été capable de me dire quoi. Par contre, tous disaient que c’était sous le château donc…
D’un geste de la part de Sirius, le sort s’écrasa contre la serrure de la grille, ouvrant celle-ci dans un grincement sonore. La jeune femme sortit de sa prison, le cœur encore lourd suite à la mort du roi.
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—Tout va bien maintenant, lui dit Selena avec un ton rassurant.
—Non… souffla Eurydice, ses yeux fixés sur le sol. Il a tué le Téméraire sous mes yeux.
—Quoi ?! s’exclamèrent les deux femmes.
—Bon, on va en parler plus tard, fit la chanteuse en la poussant vers la danseuse qui lui prit la main avec douceur. D’abord, on va te sortir de là !
—Sirius ! lança Farah au musicien.
—J’arrive !
Sirius jeta un dernier coup d’œil à tout cet attirail de magie, regrettant de ne pas avoir été un élève attentif pour savoir déchiffrer ce grimoire et comprendre ce que pouvait bien tramer Victor. Dans tous les cas, ce n’était rien de bon et il fallait que sa sœur voie ça de toute urgence !
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Sans perdre de temps, il rejoignit les filles, croisant le regard de Selena qui l’avait semble-t-il attendu avant de lui emboîter le pas. Cependant, un truc chiffonnait le musicien…
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Soudain, sans qu’il ne vit d’où venait l’attaque, Selena reçu un sort de plein fouet qui la projeta avec brutalité quelques mètres plus loin où elle atterrit dans un bruit qui ne disait rien de bon…
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—Selena ! s’exclama Farah en voyant son amie étendue au sol, inanimée.
—Non attend ! voulut l’avertir Sirius.
Seulement, quand la danseuse se retourna, elle fut attaquée à son tour, ayant eu juste le temps de voir le sort la frapper à son tour.
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Comme la chanteuse avant elle, elle fut projetée au loin et son corps atterrit brutalement au sol dans un son qui glaça le sang du musicien.
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Le rire mauvais qu’il entendit derrière lui confirma ses craintes et, rapidement, il se plaça devant Eurydice, faisant face à celui qui avait été son professeur et qu’il avait bêtement cru être son ami.
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—Vous avez vraiment cru que ce serait si facile ? fit le Lumineux tandis qu’une sorte d’aura malsaine émanait de lui, donnant la nausée au musicien. Décidément Sirius, tu étais encore moins attentif que je ne le pensais !
Ca oui et il le regrettait amèrement… Viktor était loin d’être bête et ils étaient au château d’Avalon, un lieu où le magicien avait grandi et était donc avantagé ! Eux en revanche venaient de se jeter dans la gueule du loup, ce qui avait coûté la vie à ses amies… et bientôt la sienne. S’il n’agissait pas, ils auraient tenté de libérer Eurydice en vain.
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—Qu’est-ce qu’on fait ? demanda son amie d’enfance qui essayait au mieux de cacher sa terreur. Il n’y a pas l’air d’y avoir d’issue derrière nous !
—Je sais… dit-il en grinçant des dents avant de réaliser ce qu’il pouvait faire… et qui n’allait certainement pas plaire à la jeune femme. Dis à Margaux de me pardonner.
—Quoi ?!
Bien que Viktor était un excellent magicien et Sirius un amateur, il existait un domaine où le Lumineux était naturellement moins bon que lui : les sorts de déplacements. Ce fut pour cela que le musicien sut que c’était sa seule option pour sauver Eurydice et qu’il conjura rapidement ce sort d’air qu’il connaissait sur le bout des doigts.
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—Mais qu’est-c-
Un puissant vent magique souffla dans le couloir, emportant avec lui la jeune femme dans un lieu où, il l’espérait, elle serait en sécurité. A présent, il était seul face à quelqu’un qu’il ne serait jamais capable de battre, enragé pour ce qu’il avait osé faire à celles qui lui étaient si chères à son cœur et prêt à tout pour gagner du temps.
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—Tu sais que j’ai une bonne idée de l’endroit où tu l’as envoyée ? lui fit remarquer Viktor avec un sourire mauvais. Tu es trop prévisible Sirius.
—Ne t’inquiète pas, je l’ai pris en compte, répliqua le musicien en grinçant des dents. Maintenant, on va voir combien de temps il te faudra pour me tuer.
—Oh mais je suis très curieux de le découvrir…
Même s’il savait qu’il ne pourrait pas jouer éternellement au chat et à la souris, Sirius se devait de l’occuper le plus longtemps possible, même si ce n’était que pour quelques secondes…
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Dans sa tour, Margaux reprit connaissance, sa tête et son épaule étant douloureuses suite au choc reçu. En sentant des mèches de cheveux frôler sa joue, elle comprit que son chignon avait dû se défaire mais ce n’était pas le plus important. Non, le plus vital, c’était de retrouver Viktor et de l’arrêter… si c’était encore possible.
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—Margaux !
La magicienne réalisa soudain que la porte avait été ouverte par Eurydice, étant trop sonnée pour entendre grincer le battant de bois. La jeune femme vint vite l’aider à se relever et, après l’avoir remerciée, la Ténébreuse nota les larmes sur les joues de son amie.
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—Que s’est-il passé ? demanda-t-elle, craignant le pire.
—C’est le Lumineux… répondit Eurydice d’une voix étranglée. Je ne sais pas ce qu’il me veut mais il… il a tué le roi quand celui-ci a voulu l’empêcher de m’enlever et quand j’ai été libéré par Sirius et les filles il… il… il a tué Selena et Farah puis Sirius m’a… il est tout seul contre lui !
A cet instant, Margaux cru que son cœur venait d’éclater en mille morceaux. Comment avait-elle pu ne pas voir plus tôt que Viktor était dangereux à ce point-là ? Par sa faute, il avait causé beaucoup de tort et elle n’avait aucun doute sur le fait que si elle ne faisait rien, il allait continuer… surtout que… Sirius était très certainement parmi ses victimes…
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… et ça, elle n’allait pas le lui pardonner. Son frère était la seule raison pour laquelle elle avait réussi à tenir aussi longtemps quand elle était dans cette cellule et elle lui devait sa liberté. C’était injuste qu’il perde la vie en se sacrifiant ainsi ! Elle devait faire quelque chose pour le venger lui et les autres… mais quoi ?
Elle devait rester rationnelle… et se baser sur ce que cette vision lui avait indiqué. Or, si le Jugement avait été désigné comme unique solution contre lui, c’était probablement parce que s’il était tué… mais bien sûr : le Lumineux était un mage très puissant, même plus fort qu’elle n’en avait le souvenir, faisant qu’il existait la possibilité qu’il se soit jeté un sort sur lui-même afin de prolonger sa vie ou provoquer sa réincarnation si nécessaire.
Qui plus est, s’il tenait tant à mettre la main sur Eurydice et s’il avait une telle aura… cela ne pouvait signifier qu’une chose.
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—Seul un Cœur Vaillant restera insensible à la corruption, murmura Margaux, comprenant le lourd sens de ces mots. La lumière aussi peut donc être corrompue… et cela expliquerait pourquoi Viktor te veut vivante et la raison pour laquelle ma vision disait que seul le Jugement pouvait le vaincre…
—Comment ça ? questionna Eurydice, intriguée.
—Tu es un Cœur Vaillant, faisant que tu es la plus à même de réussir l’Epreuve alors que Viktor, qui est certainement gravement corrompu, sera instantanément éliminé s’il y pénètre. De plus, tuer le Lumineux va s’avérer très compliqué vu son état et son niveau élevé en magie.
La Ténébreuse ne se faisait aucune illusion : jamais Viktor n’accepterait d’invoquer le Jugement car il savait depuis longtemps ce que cela signifierait pour lui. L’Epreuve n’était pas envisageable non plus car impossible de savoir où était celle-ci et le temps leur manquait… faisant qu’elle ne voyait qu’une seule solution pour stopper tout cela. Rien que d’y penser, elle se sentait déjà nauséeuse mais c’était ça ou risquer que cette corruption se propage après la mort du Lumineux.
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—Je vais avoir besoin de ton aide, dit-elle à la jeune servante. Seule, je ne pourrais rien contre lui.
—D’accord, fit son amie avec un hochement de tête. Que veux-tu que je fasse ?
Elle n’allait pas lui donner dès maintenant tous les détails, surtout les plus glauques, la priorité étant de préparer un piège assez puissant pour, elle l’espérait, prendre de court Viktor.
Comme il leur était impossible d’estimer avec certitude le temps qu’elles avaient, Margaux opta pour utiliser ce qui se trouvait déjà dans la pièce, à savoir le cercle de magie qu’elle utilisait quand la foudre tombait sur la tour, des pierres magiques et de quoi tracer un autre cercle – faute d’avoir des éléments riches en ténèbres, impossible pour elle de mettre en place un piège capable d’enfermer un Lumineux donc elle était contrainte de ruser.
Au bout d’un quart d’heure, elles étaient prêtes, juste au moment où elle sentit la forte lumière de Viktor approcher. Une minute plus tard, il entrait dans la pièce, s’attendant certainement à un coup fourré… et ses yeux se posèrent immédiatement sur l’endroit où se tenait la magicienne.
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—Qu’est-ce que… lâcha-t-il, visiblement surpris de voir que Margaux s’était elle-même placée dans un piège à ténèbres. Tu tiens tant que ça à mourir ?!
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—J’ai cru comprendre que je n’avais plus rien à perdre à présent, répliqua-t-elle sur un ton glacial, son amour envers celui qui avait été son maître s’étant à présent changé en une haine qui promettait de devenir de plus en plus féroce. Et elle non plus.
A ces mots, Eurydice vint se placer au cercle du cercle principal qui se chargeait en énergie, intriguant grandement Viktor qui ne remarqua pas tout de suite ce qui se préparait.
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Avant qu’il ne comprenne le but de la manœuvre, Margaux usa de sa magie, transférant celle-ci dans le cercle du piège qui la transféra à son tour dans le cercle principal, droit sur la jeune femme qui se trouvait en son centre. Puis, dans un geste, elle jeta le sort qui était jusque-là prisonnier du cercle magique, celui-ci frappant le Lumineux qui n’avait pas vu venir la chose.
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La Ténébreuse n’était pas dupe : si elle avait attaqué de front, elle aurait perdu. En revanche, utiliser Eurydice comme intermédiaire, ça il ignorait qu’elle connaissait la technique pour cela et qu’elle oserait s’en servir, cela alors que ça pouvait tuer la personne servant d’intermédiaire… raison pour laquelle le sort qu’elle avait jeté n’était pas un sort d’attaque mais un puissant sortilège destiné à plonger la cible dans une profonde léthargie.
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—Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? lui demanda son amie une fois qu’elle eut éteint les bougies du piège. Il va rester ainsi éternellement ?
—Normalement oui mais même endormi, tant qu’il reste intact, il est dangereux, répondit la magicienne avant de grimacer. Je vais devoir lui ôter son âme et transférer sa magie ailleurs tandis que son corps… Urgh…
—Quoi ?
—… Va chercher les outils à l’entrée. Nous en aurons besoin pour… la suite.
La première chose que fit Margaux fut de transférer la magie de Viktor dans les pierres du cercle, lui permettant ainsi de la séparer de la corruption de son propriétaire – étonnamment, elle s’était attendue à ce que la quantité soit plus importante et elle se demanda un temps si elle n’avait pas surestimé la puissance du Lumineux. La seconde fut de séparer son âme de son corps… une opération qui fut plus compliquée que prévue quand elle découvrit qu’une grosse quantité de magie émanait de la dite âme et qu’il était impossible de l’extraire à cause la quantité bien supérieure de corruption se trouvant avec elle. Enfin vint le moment de s’occuper du corps… et là, elle usa de sa magie pour envoyer Eurydice au château pour qu’elle lui confirme les différentes mortes… mais aussi pour lui épargner l’horrible spectacle du sort réservé aux restes du magicien.
Au retour de la jeune femme, il ne restait plus rien de visible de Viktor… mais la hache contre le mur, la légère odeur de brulé et les sept coffrets, à présents scellés, lui mirent la puce à l’oreille.
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—Il est… dit-elle avant de déglutir.
—Son corps est corrompu et je n’avais rien d’autre sous la main, expliqua-t-elle en grimaçant. Ces coffrets devraient tenir un millénaire et, avec de la chance, atténuer suffisamment la corruption pour qu’on puisse la détruire sans risque. Et pour ce que je t’ai demandé ?
—… Ils sont encore tous les trois dans les cachots… Mais je n’ai pas trouvé le roi. Tu crois qu’il l’a déplacé ?
Malheureusement, tout était possible avec Viktor et en supposant qu’en fait, il haïssait Joshua, il avait peut-être fait en sorte que l’on ne retrouve jamais son corps, faisant que Margaux n’avait aucune chance de récupérer son âme ou ses souvenirs.
La nécessité à présent était de préparer de quoi contrer Viktor car, elle le savait, cette urne ne tiendrait pas longtemps et à moins de forcer les choses, le magicien risquait de revenir à tout instant. Il fallait sceller cette âme dans un lieu sûr et cette magie par la même occasion… en la confiant à des réceptacles qui étaient dignes de confiance.
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Le rituel ne prendrait pas longtemps : chacun allait être lié à un de ces grimoires, chacun représentant un élément de la magie. La magie de Viktor allait être enfermée dans ces Tomes et aussi servir en grande partie à leur création.
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—Bien, je vais devoir te faire mes adieux, dit-elle à son amie. Nos chemins se séparent ici.
—Quoi ?! fit Eurydice, surprise. Mais… pourquoi ?
—L’âme de Viktor sera gardé par Farah dans le Tome de Feu mais si je veux être sure qu’il finisse dans le Jugement, il faut que je sois présente et pour ça… il faut que je me lie au Tome de l’Air. Après cela, j’attendrai que le sort soit activé et je chercherais un Lumineux non corrompu ainsi qu’un Cœur Vaillant afin d’en finir une bonne fois pour toutes !
C’était la seule solution pour contrôler un minimum la suite des évènements : ensorceler les Tomes de sorte à ce qu’après une réunion puis une séparation, les âmes piégées dedans se libèrent. Le problème était de savoir à quel moment cela se produirait mais logiquement, vu qu’elle avait jeté un sort de déplacement sur le Tome de Feu et le Tome de l’Eau afin de les envoyer respectivement à Heaven et dans une colonie venant d’Orient, ceci ne devrait pas se produire avant un bon moment.
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—Dans ce cas, je viens avec toi ! s’exclama la servante, la faisant sursauter. Je suis un Cœur Vaillant donc…
—Tu n’as aucune magie et si je lie ton âme au dernier Tome, dans ton cas, ça va te faire te réincarner et tu perdras tous tes souvenirs ! répliqua la magicienne, fermement.
—Je prends le risque. Et puis je n’ai plus rien à perdre.
La détermination qu’elle lisait dans son regard ne laissait aucune place au doute : elle ne changera pas d’avis.
—… Très bien. Alors à dans autre vie…
Face à ce changement, Margaux donna à Eurydice une de ses fioles de poison dont elle but une gorgée. Très vite, la magicienne l’endormit puis lui ôta son âme, laissant le poison faire ce qu’il devait faire. Elle pouvait à présent démarrer le rituel… et dire au revoir à Avalon.
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Durant tout le temps où elle lui avait montré les souvenirs qu’elle avait pu rassembler d’Avalon, Margaux avait noté qu’Eurydice était resté attentive, les expressions de son visage variant suivant les passages qu’elle voyait. La Ténébreuse d’Avalon avait conscience que des trous étaient présents, principalement parce qu’elle n’avait pas pu prendre les souvenirs de Viktor, ceux-ci ayant été corrompus et aussi parce qu’elle n’avait pas eu accès au corps de Joshua VI, faisant que les informations et doutes qu’il possédait sur le Lumineux d’Avalon étaient perdus à jamais. A la fin du récit, la jeune femme avait levé les yeux vers elle, affichant un regard emplit de détermination.
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—Là, tu m’as complètement convaincue, déclara-t-elle. Donc c’est lui l’origine du bazar que t’essaie de nettoyer…
—Oh oui, confirma la sorcière. Je n’ai su qu’à mon réveil qu’il avait gagné une telle puissance en la dérobant à des Anges et jusqu’à ce que Sirius me rapporte tes propos sur le coffret chez toi, je pensais qu’ils étaient tous morts lors de la chute d’Avalon. Une poignée a peut-être réussie à s’en sortir mais face à une telle population démoniaque, ils doivent certainement se faire très discrets.
La magicienne se demandait si cette muse qu’elle avait croisée avait pu en réchapper ou non – les chances étaient minces et dépendaient de ce que Viktor avait utilisé comme méthode pour réussir cet exploit, ce qu’elle n’avait, malheureusement, pas réussi à découvrir. Si elle avait fouiné là où il ne fallait pas et qu’elle s’était faite prendre, elle avait probablement été éliminée afin qu’elle ne puisse pas avertir qui que ce soit du danger.
—Du coup, où sont les deux autres Tomes ? demanda Eurydice, curieuse. C’est lui qui les a récupérés ?
A cet instant, Margaux réalisa qu’un « détail » bien particulier n’avait pas été abordé… et qu’elle allait devoir le faire sans tarder.
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—Jusqu’à il y a une vingtaine d’années, les trois Tomes étaient gardés au sein d’un lieu nommé la Tour Mirage et qui n’est accessible qu’à ceux qui savent comment le trouver, expliqua la sorcière avant de lâcher un soupir. Lorsque Guillaume Duspeti les déroba puis qu’ils furent séparés, cela a déclenché, comme tu le sais, mon réveil puis la libération de ton âme ainsi que, certainement, celle de Viktor. Depuis peu, le seul des habitants de cette tour qui a la capacité d’en sortir les recherches activement et il a ramené celui du Feu puis celui de l’Eau au sein de cette tour. Cette personne est un jeune magicien qui se nomme… Ezekiel Blue-Magenta.
En entendant ces mots, le visage de la jeune femme montra l’ampleur de sa stupéfaction, sa bouche entrouverte et ses yeux s’étant arrondis face à cette découverte. Puis ses sourcils se froncèrent et la surprise laissa place à un certain agacement.
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—Mais pourquoi il m’a caché ça ? se demanda Eurydice, probablement contrariée d’apprendre que ce garçon possédait un tel secret. C’est pour ça que je l’ai perdu de vue à deux reprises ?
—Oui et non, répondit Margaux en grinçant un peu des dents. Je dirais déjà qu’il attendait probablement le bon moment pour t’en parler et… ce sont mes interventions sur la ligne temporelle qui ont fait que vous vous êtes éloignés l’un de l’autre jusqu’à ces derniers jours. Si j’avais laissé les choses se faire naturellement entre vous… tu serais morte d’une manière ou d’autre autre à cause de cette fichue malédiction.
La jeune femme déglutit en apprenant cela tandis que la magicienne repensa à toutes ces rencontres qu’elle avait empêchées depuis plusieurs années – celle qui aurait été la plus déterminante était sans conteste un rendez-vous qu’Eurydice aurait dû avoir avec Ezekiel durant leur adolescence et suite auquel ils se seraient mis en couple… mais la relation n’aurait pas duré très longtemps car la jeune femme aurait croisé la route du tueur en série Dexter Coroner, ce qui aurait, par extension, condamné beaucoup d’autres personnes, notamment Iowa Smith car Ezekiel ne serait pas arrivé à temps à Oasis Springs ou encore celle de Lucinda Gregorio qui n’aurait pas pu éviter le sort funeste qui la menaçait.
—Tu ferais bien de dormir, lui conseilla Margaux en voyant que sa cadette avait du mal à garder les yeux ouverts. Nous reparlerons de tout cela plus tard…
La magicienne espérait juste qu’elles en auraient le temps, surtout qu’en revoyant tous ces souvenirs et après la remarque d’Eurydice sur le fait qu’elle ignorait qu’Ezekiel était en fait une créature surnaturelle, un détail très particulier l’avait soudainement frappée : à Avalon, jamais elle n’avait mentionné le nom de sa servante à qui que ce soit et cette dernière n’avait que peu travaillé au château, si bien que même Autumn avait eu du mal à retenir son prénom, l’appelant parfois « Sarah » par erreur. De plus, Margaux se souvenait à présent qu’elle n’avait jamais écrit le nom de la jeune femme sur la lettre de recommandation donc comment Joshua le Téméraire avait-il su comment elle s’appelait alors qu’il ne l’avait jamais rencontrée avant le moment de sa mort ?
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