Ombre et Lumière - 1
- Kaleiya Hitsumei
- 19 nov. 2018
- 4 min de lecture
San Myshuno - Quartier de la mode
- Lève le bras Lucinda… Un peu plus haut… Comme ça oui ! Maintenant regarde droit devant toi.
Le flash de l’appareil photo s’enclencha, illuminant la scène et immortalisant celle-ci dans un fichier numérique. Lucinda garda la pose, se retenant de remonter le bustier de la robe pendant que le photographe tournait autour d’elle afin de prendre tous les clichés nécessaire pour le magazine “Le grand saut”, une revue spécialisée dans les mariages.

Lucinda Gregorio avait à peine 19 ans. D’origine italienne, elle était la cadette d’une fratrie de quatre enfants et ne se serait jamais imaginée dans le mannequinat. Dans les faits, c’était à l’origine un boulot à mi-temps afin de payer ses études et son logement à Newcrest mais il lui arrivait de faire des heures supplémentaires assez fréquemment, ses photos ayant eu plus de succès qu’elle ne l’avait envisagé. Son agence gérait ses contrats mais elle posait le plus souvent pour les mêmes magazines.
Le quartier de la mode était le lieu de prédilection pour les séances photos et certaines des robes qu’elle avait mises en valeur avaient eu un franc succès comme celle aux flocons de neige.

Son frère aîné, Matéo, était chef cuisinier dans un restaurant italien au quartier des épices, ce qui était assez pratique pour Lucinda car cela lui évitait de chercher un hôtel ou d’espérer que sa sœur Monica veuille bien l’héberger - avec elle, c’était pas gagné et l’ambiance était bien souvent tendue entre eux deux car son ainée était à la fois jalouse de tout ce qu’elle obtenait via son travail et moqueuse vis à vis de son choix d’études. Son autre sœur, Giulia, étudiait la musique à Windenburg mais les séances photos avaient rarement lieu là-bas.
C’était un peu dommage car cela aurait été un cadre idéal pour la robe brodée de fleur de ce grand créateur.

- Argh !
- Oups ! Désolé !
Le flash dans les yeux, c’était une sainte horreur… Le pire restait l’étape du maquillage car Lucinda était la seule de sa fratrie à avoir hérité de l’intégralité des tâches de rousseur de leur mère, faisant que la maquilleuse avait souvent la main lourde sur le fond de teint. La jeune femme n’avait qu’une hâte en rentrant chez elle : se démaquiller pour enlever ce plâtre qu’on lui avait collé sur le visage.

- Pose ta main sensuellement sur ta hanche…
Elle s’exécuta, mettant en valeur le décolleté du dos et ce bracelet hors de prix qui était à son poignet.

- Tourne toi vers moi à présent…
A présent, c’était le décolleté plongeant du devant et ce collier en or et en quartz…

Une dernière pose et la photo phare de la collection fut prise. Un cliché montrant le chic et le glamour de cette robe au prix suffisamment élevé pour bien faire mal au compte en banque de n’importe quelle jeune mariée.

Enfin, la séance photo était terminée ! Lucinda put donc remettre ses vêtements habituels et enlever cette épaisse couche de fond de teint qu’elle avait sur le visage. L’équipe n’avait pas encore fini de remballer tout le matériel quand elle leur dit au revoir pour ensuite filer au bar à karaoké le plus proche.
Elle adorait chanter après le travail mais il fallait des fois se battre pour obtenir un micro.

- Hey la chauve-souris ! File le micro ! Ca fait une heure que t’es là !
Surtout, ne pas chercher à comprendre le pourquoi de ce surnom… Quoiqu’il lui semblait reconnaître une étudiante de son université, ce qui expliquerait la chose. Ce n’était pas la première fois que l’on critiquait son sujet d’étude après tout et sa célébrité naissante faisait pas mal d’envieuses…
Son frère Matéo était bien son seul vrai soutien dans cette grande ville, même s’il n’était pas toujours disponible pour l’écouter.
- … et après, il a fallu refaire toutes les photos car monsieur n’était pas content de l’éclairage !
- Les problèmes habituels en gros.
- Oui… Si la paye ne suivait pas, j’aurais arrêté il y a un moment déjà.

Le moment venu, Lucinda s’était juré de rembourser son frère pour toutes les fois où il l’avait gentiment hébergée sans lui demander de contrepartie - Matéo avait une grande chambre dans son appartement et avait décrété qu’il pouvait très bien la laisser y dormir si cela pouvait la dépanner, allant jusqu’à lui acheter un lit au marché aux puces.
Elle était celle qui se servait le plus de l’ordinateur, Matéo préférant le papier au numérique. Lucinda pouvait donc se renseigner à loisir sur son sujet d’étude : les créatures surnaturelles.
Ce choix d’études lui avait valu bien du mépris et des moqueries, faisant qu’elle s’était totalement focalisée sur son travail, délaissant les relations avec les autres qui ne voyaient en elle qu’une fille mignonne mais pas très futée pour croire à tout ça.

Mais Lucinda était certaine d’avoir raison ! Peut-être un jour rencontrera-t-elle quelqu’un qui la comprendrait enfin pleinement…
En attendant, elle avait toujours Matéo pour l’écouter, seul membre de sa fratrie qui l’acceptait pleinement. Giulia aussi l’acceptait mais lui reprochait son choix de carrière, faisant que sans leur frère, elles auraient probablement perdu contact, ce qui aurait brisé le cour de Lucinda qui adorait sa famille, Monica y compris.
Matéo était toujours aux petits soins avec ses cadettes et savait tout sur tout les concernant : le goût prononcé de Monica pour les hommes riches qui pouvaient lui offrir tout ce qu’elle désirait, l’intérêt marqué de Giulia pour la gent féminine et le fait que Lucinda avait choisi d’être végétarienne car elle détestait le goût de la viande.

Après avoir avalé sa délicieuse assiette de pâtes primavera, Lucinda prit le métro pour le quartier des arts afin d’aller au centre artistique. Récemment, ils avaient ouvert l’accès au sous-sol où l’on pouvait trouver une médiathèque comportant pas mal d’ouvrages, des ordinateurs destinés à faire des recherches et une salle de cinéma qui diffusait uniquement des films d’auteur ou des grands classiques.
Elle s’installa à la médiathèque et chercha un livre dont elle avait découvert par hasard l’existence : l’Encyclopedia Vampirica. Elle le trouva sur une des étagères les plus haute puis elle s’installa pour commencer à lire cet ouvrage sur les vampires… Peut-être en fera t-elle son sujet pour l’exposé qu’elle doit rendre le mois prochain.

Voyant le temps défiler, Lucinda se dépêcha de prendre le métro pour retourner à l’appartement de Matéo. Celui-ci regardait Top Cuistot à la télévision et était visiblement déçu que son favori se soit fait éliminer.
Après une douche rapide, elle souhaita une bonne nuit à son frère et alla se coucher.

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